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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 février [1843], samedi matin, 10 h. ½

Bonjour, mon Toto bien-aimé, bonjour mon pauvre petit affairé, comment vas-tu ce matin mon cher petit homme ? D’ici à quelques jours tu pourras respirer plus à ton aise, mon cher adoré, et je n’en serai pas fâchée pour mon compte personnel. Toutes ces affaires et le défaut d’air et d’exercice me fatiguent et m’agitent on ne peut pas plus ; cette nuit, à quatre heures du matin, je n’avais pas encore pu dormir et rien n’est plus fatigant ni plus irritant que d’être dans un lit sans pouvoir dormir, surtout quand on est seule car l’insomnie à deux est une autre affaire.
Je continue à avoir mal à la gorge ; et la paresse et le dégoût de tout me tiennenta si fort que je n’ai pas le courage d’user de ton remède, qui est cependant le meilleur, je le sais. Tout ce que je te dis là n’est pas très édifiant ni très drôle, je le sais aussi, mais cela a l’avantage d’être la hideuse vérité. J’en suis venue à ce point de découragement et d’impatience que les choses les plus simples de la vie me sont à charges et pénibles à faire lorsqu’ilb s’agit de moi personnellement. Je te demande pardon, mon adoré, de te dire cela, à toi si courageux et si accablé et qui ne te plains jamais. Mais le régime échauffant et énervant que je suis depuis bientôt trois ans m’ôte toutes les forces et toute l’énergie. J’ai besoin, mon pauvre ange, que tu me donnes un peu d’air et de bonheur ou je deviendrai stupide ou furieuse.
Pardon, encore une fois, mon adoré, de te parler de mes ennuis quand tu succombes sous le poids des tiens, sans compter ton travail opiniâtre de tous les jours et de toutes les nuits qui doit te fatiguer au-delà de toute expression. Pardonne-moi, mon cher bien-aimé. Pense à moi si tu peux et viens aussi le plus tôt que tu pourras m’encourager et me donner des forces dans un baiser. En attendant je t’aime de toute mon âme mon Toto adoré.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 109-110
Transcription de Olivia Paploray, assistée de Florence Naugrette

a) « tient ».
b) « lors ce qu’il ».


4 février [1843], samedi matin, 11 h.

Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour mon Toto chéri, comment vas-tu ce matin ? Ta gorge est-elle un peu calmée ? Pourquoi n’es-tu pas revenu ce matin ? Pauvre ange, c’est une question dont je connais la réponse à l’avance : — tu as travaillé, tu travailles encore peut-être et même sans aucun doute. Je ne peux pas t’aider, mais je peux me résigner, en apparence, car jamais dans mon cœur je ne me résigne et ne me résignerai à perdre une parcelle du bonheur que je pourrais avoir si tu étais plus libre. Mais au-dehors mon cher ange, je peux avoir du courage et de la force pour ne pas ajouter à tes ennuis et à tes inquiétudes dans ce moment-ci.
Je désire avoir un petit souvenir de Didine parce que j’ai besoin d’avoir aussi mon petit contingent des petits cadeaux de famille parce que par le cœur, j’appartiens à cette famille et que si je veux partager quelquefois ses joies, il m’arrive toujours de partager ses peines et de les sentir au moins aussi vivement qu’elle-même. Voilà pourquoi mon Toto, je t’ai prié de demander à ta Didine un de ces petits brimborions de jeune fille qui n’ont aucune valeur pour elle devenant Madame et qui seront une petite relique pour moi. Et puis si tu n’y penses pas, je ne t’en voudrai pas. Je saurai que tu as mille affaires plus importantes et je serai très sage.
Baise-moi en attendant et aime-moi. J’en ai besoin pour attendre avec courage et avec patience l’heure où mon tour viendra d’être libre et heureuse avec vous dans quelque coin d’auberge.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 111-112
Transcription de Olivia Paploray, assistée de Florence Naugrette
[Souchon, Massin]


4 février [1843], samedi soir, 5 h. ½

Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 113-114
Transcription de Olivia Paploray, assistée de Florence Naugrette

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