23 juin [1847], mercredi matin, 8 h. ½
Bonjour, profond scélérat, bonjour, je ne te prêterai pas mon parapluie. Le robinson [1] est assez bon pour un pair de France qui fait métier de séduction. Nous verrons si l’imagination des femmes, qui font des toilettes exprès pour se faire mettre à la porte des délibérations secrètes, tiendra contre la vue de ce phénomène de l’industrie nationale. Quant à moi, je me mettrai à couvert de tous les ridicules et de tous vos sarcasmes sous mon délicieux petit parapluie vert. Attrapéa ! Nous verrons celui de nous deux qui bisquera le moins.
Qu’est-ce que vous faites aujourd’hui MONSIEUR ? Avez-vous séance à la Chambre et pourrez-vous me dire à une heure près quand vous en sortirez ? Je ne sais pas encore sur quel pied je pourrai aller vous chercher, mais je sais que j’en ai bien envie et que je serai bien malheureuse si je ne le peux pas. Je t’ai vu un quart d’heure hier dans toute la journée et vraiment ce n’est pas assez même avec la plus grande résignation. Et puisque tu ne peux pas prendre davantage de temps sur tes nombreuses et impérieuses occupations, il faut bien que je tâche de mon côté de m’en donner un peu plus, n’importe à quel prix.
Juliette
MVH, α 7928
(cataloguée aussi par erreur, 7982)
Transcription de Nicole Savy
a) « Attrappé ».
23 juin [1847], mercredi midi
Le soleil luit dans ce moment-ci mais combien cela durera-t-il ? Je ne m’en inquiéterais guère si j’avais un pied comme tout le monde, mais la pensée de mettre un brodequin en cuir me donne des élancements jusque dans la hanche. Tout cela ne m’a pas empêchée de faire affranchir la lettre de votre faiseur de corset. Seulement prenez garde de vous piquer dans la rue avec [des] orties car d’avance je vous réponds qu’il vous en CUIRAIT. Cet avertissement une fois donné, et l’affreux penchant des calemboursa une fois satisfait, je reprends mon sérieux et je vous demande à quelle heure je pourrai aller vous attendre à Saint-Sulpice, car je tiens à y aller comme un chien sur mes quatre pattes.
Je voudrais bien savoir aussi quand vous comptez me donner à copier. Ce pauvre Jean Tréjean me paraît bien délaissé, mais moi j’y pense tous les jours et je ne demande qu’à lui tenir compagnie et à passer mes journées avec lui. Pour cela il me faut votre permission et ce n’est pas peu de chose à obtenir. J’en sais quelque chose depuis le temps que j’y travaille sans succès. Si tu étais bien gentil, mon Toto, tu te dépêcherais de me mettre en tête à tête avec ce pauvre galérien que j’aime tant.
Juliette
MVH, α 7929
Transcription de Nicole Savy
a) « calimbourgs ».