Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1864 > Juillet > 25

Guernesey, 25 juillet [18]64, lundi matin, 10 h.  [1]

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour avec tout mon cœur et avec toute mon âme. Comment as-tu passé la nuit et comment vas-tu ce matin ? Moi je vais bien, bien, bien. J’ai dormi comme trois noirs et j’ai une faim de plusieurs caniches. J’espère que tu en as autant à m’offrir.
J’ai salué ton cher petit signal à huit heures et demie (jour ou non) et je lui ai envoyé une volée de baisers qu’il n’a tenu qu’à lui de prendre au passage.
Je viens de filtrer la dernière dose de café qui avait passé la nuit à se culotter. Je me prépare à sortir tantôt avec toi si tu as le temps de me conduire. J’ai affaire chez Chotina [2], Béghin [3], et Daddob [4]. Je n’ai plus que le temps bien juste pour préparer mes divers clics et mes nombreux clacs si nous devons partir le 10 août, date militaire [5]. Le temps sans être beau ni sûr est cependant suffisant pour se risquer dans les rues et même dans les bois [6]. Une fois dehors il ne tiendra qu’à nous de faire une promenade de plain pied sur la route de Saint-Samson. Demain nous aurons la voiture s’il fait beau et après demain tu auras les régates, c’est-à-dire toutes les dames de Putron [7] à fêter et à régaler. Moi pendant ce temps-là je t’aimerai encore plus si c’est possible et je t’attendrai avec confiance dans un coin de ma maison en supposant qu’il y ait des coins, ce dont je doute. Je n’ai pas envoyé savoir des nouvelles de Mme Marquand ce matin parce que cela ne me semble plus nécessaire. La pauvre femme est sortie de la phase des couches pour rentrer dans la maladie impitoyable qui la ronge depuis si longtemps. On ne peut que la déranger et troubler son repos en y allant le matin et son mari nous en donne des nouvelles tous les soirs. Tu feras bien, toi, d’aller la voir. Je ne te demande pas de m’y mener parce que deux personnes pourraient probablement la fatiguer. D’ailleurs l’important pour elle c’est l’honneur que tu lui fais, quant à moi c’est de la fatigue et rien de plus. Je te baise partout et ailleurs. Je t’aime, je t’attends et je t’adore.

J.

BnF Mss, NAF 16385, f. 198
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « Chottin ».
b) « Dado ».

Notes

[1Jour de la pendaison de crémaillère de la nouvelle demeure de Juliette Drouet.

[2Victor Chotin est marchand de soieries à Saint-Pierre-Port. (Remerciements à Amanda Bennett et Gérard Pouchain pour cette recherche).

[3Victor Hugo note dans son agenda de nombreux achats effectués chez Béghin. Ainsi, le 25 juillet, « Brosse à dent chez Béghin ». (CFL, Tome XII/2, p. 1466).

[4Le 21 mars 1861, Victor Hugo écrit dans ses agendas : « Payé Mme Daddo façon de 4 gilets de flanelle ». (CFL, Tome XII/2, p. 1363).

[5Ils partiront en voyage le 15 août.

[6Allusion aux Chansons des rues et des bois.

[7Mme de Putron et ses filles, dont Emily de Putron, fiancée de François-Victor Hugo.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne