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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 novembre [1838], samedi matin, 10 h. ¼

Bonjour mon cher petit bien aimé, bonjour mon cher petit B....... Vous m’aviez bien promis de revenir cette nuit, et puis l’autre encore auparavant, et voilà comme vous êtes venu ? Vous mériteriez bien que je vous fasse la grimace dès le matin, ce qui serait d’autant plus effroyable que je suis hideuse grâce à ma beauté naturelle, et à un babouin [1] monstrueux que j’ai à la lèvre.
J’ai à peine dormi cette nuit, aussi je suis très fatiguée ce matin, et je ne suis pas restée dans mon lit à cause de vous vieux bêtaa. Si vous étiez venu, je serais restée jusqu’à vitam eternam, ce qui m’aurait bien reposé.
Quelle belle représentation que celle d’hier ! Mais aussi quelle pièce ! D’y penser, cela me tourne la tête, et le vertige me prend, au point de tomber de toute la hauteur de ton admirable poésie la tête la première dans des admirations banales, et dans des phrases ambitieuses, au risque de me casser le nez, et de me rendre ridicule à tes propres yeux. Mais ce que je peux te dire simplement et du fond du cœur, c’est que je t’aime autant que je t’admire, et que tu es mon ravissant petit homme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 152-153
Transcription d’Élise Capéran assistée de Florence Naugrette

a) « bêtat ».


17 novembre [1838], samedi soir, 7 h.

Mon cher petit bien-aimé, où es-tu ? Que fais-tu ? Je suis triste de cœur et malade de corps. Je vais prendre un bain. Je pense que c’est ton imprimeur qui te retient ? Non pas celui de cette nuit qui me paraît n’exister qu’à l’état de brouillard, et pour motiver ta retraite une heure plus tôt qu’à l’ordinaire.
J’ai cassé ma petite glace aujourd’hui, ce qui est un mauvais présage, outre que c’est de l’argent perdu, et que nous n’en avons pas de trop. J’ai vu Mme Pierceau tout à l’heure qui m’a apporté le reste de mes chemises et le mantelet de Claire. Sa pauvre cousine a enfin retrouvé son [objet  ?] à Orléans chez un marbrier, elle est à la joie de son cœur. Je te conterai cela en détail, c’est très touchant. Pauvre femme, quelle conserve son bonheur le plus longtemps et le plus intact possible, et nous aussi, car rien ne peut le remplacer, je le sens de jour en jour davantage. Mais que fais-tu donc mon cher petit bien-aimé ? Je ne veux pas t’accuser, mais je suis vraiment bien triste, et bien impatiente de te voir. Je vous aime trop mon petit homme, et vous pas assez.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 154-155
Transcription d’Élise Capéran assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Babouin : herpès labial.

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