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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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6 novembre [1838], mardi soir, 9 h. ½

Bien, bien mon brave et généreux homme, c’est digne de toi et de notre amour, tu as été meilleur que moi mais moi je t’aime plus que jamais. Je t’aime, entends-tu bien mon petit homme ? Je t’aime entends-tu bien, je t’aime mieux et plus fort qu’autrefois. Nous avons été méchants comme quatre ânes rouges depuis deux jours, mais nous voilà revenus à l’état de tourtereaux, qui est après tout, le plus doux et le plus charmant des états. Je suis très joyeuse mon adoré, et je ne donnerais pas le moment de tantôt pour toutes les richesses du monde.
Jamais je n’oublierai la petite lanterne pas plus que je n’ai oublié le POIGNANT de la route de Saint-Cloud. Vous êtes, mon cher petit homme, un peu jaloux, un peu méchant, un peu injuste, mais aussi très aimé, très admiré et très adoré. Je mangerai comme une ogresse ce soir, de tout sans vous excepter mon cher petit poulet. Donnez-moi votre vec que je le baise. Papa est bien i. Je vous rabibocherai de votre lettre d’hier, parce que ce soir la mère Pierceau pourrait avoir besoin de sa chandelle et puis que si je m’en croyais je vous écrirais des volumes en folio. Nous aurons notre succès, j’en suis sûre, je le tiens, vous verrez si je vous mens. Bravo ! Bravo !!!!!!!!a
J’avais bien envie d’aller à la répétition ce soir, mais j’ai craint de ne pas t’y trouver, le Frédérick [1] pouvant avoir fait des siennes mais je n’en suis que plus enragée et que plus endiablée de vous. J’ai faim et soif et amour de votre ravissante petite carcasse. Aimez-moi, mon petit homme, vous n’aurez pas affaire à une ingrate, et ce sera de l’amour très bien PLACÉ.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 122-123
Transcription d’Élise Capéran assistée de Florence Naugrette

a) Les huit points d’exclamation courent jusqu’au bout de la ligne.


6 novembre [1838], mardi soir, 10 h.

Tant pis pour la chandelle, mais puisque mon cœur brûle par les deux bouts, je ne vois pas pourquoi je ne mettrais pas à contribution tous ceux des chandelles de la mère Pierceau.
Je vous aime mon petit homme chéri, et je ne veux rien avoir à vous. Je vous rends votre lettre d’hier avec celle d’aujourd’hui, je ne vous dois rien, je vous ai donné hier méchanceté pour méchanceté, bêtise pour bêtise, crétinerie pour crétinerie. Ce soir je vous donne amour pour amour, cœur pour cœur, âme pour âme. Seulement tous les miens sont plus gros que les vôtres, mais je suis généreuse et je ne veux rien vous reprendre. Je vous laisse tout et pour toujours. Si vous ne répétez pas ce soir, mon amour, tâchez de venir très tôt. La portière est prévenue et t’attendra toute la nuit s’il le faut, mais moi j’ai deux jours de bonheur et d’amour à rattraper, et je suis très impatiente.
Je t’aime mon Victor, voilà pour hier, et je t’adore mon Toto, voilà pour toute la vie.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 124-125
Transcription d’Élise Capéran assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Frédérick Lemaître joue le rôle-titre dans Ruy Blas qui sera créé le 8 novembre au Théâtre de la Renaissance.

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