28 janvier 1839

28 janvier [1839], lundi soir, 9 h. ½

Tu as été bien injuste tantôt et bien charmant ce soir. En somme, je t’aime plus que jamais et suis prête à convenir que je n’ai jamais été plus heureuse. Je désire, mon cher bien-aimé, que tu sois en tout ce qui regarde notre amour pareil à moi. Je regrette que tu n’aies pas été naïf tantôt en me mettant à même de te donner une preuve d’amour innocente. Une autre fois^a, mon adoré, je te prie de ne pas agir avec tant de finesse mais avec un peu plus d’abandon. Je suis malade comme une bête ce soir. J’attribue au défaut d’exercice l’intensité de mes maux de tête et de reins. Dans notre intérêt commun, mon cher bien-aimé, tu devrais tâcher de me faire sortir et marcher plus souvent. Tu as bien mal à tes beaux yeux, mon cher adoré, et il serait urgent que tu prisses quelques jours de repos pour ce qui regarde les besoins de ma maison : il est très possible d’y subvenir en vendant quelque chose, n’importe quoi, pourvu que cela te donne quelques instants de repos dont tes yeux adorés ont tant besoin. Plus j’y pense et plus la nécessité de repos pour eux m’est démontrée et si j’avais quelque autorité sur toi, mon bien-aimé, tu te soumettrais à ma volonté au moins pendant quelques jours. Malheureusement je n’en ai pas et tu continueras de fatiguer tes pauvres yeux jusqu’à extinction, et pourtant tu dis que tu m’aimes. Enfin les hommes sont pleins d’inconséquences, il faut les souffrir et les aimer ainsi. Je t’aime donc, mon petit homme, non comme une mission mais comme un sentiment et un besoin irrésistible plus fort que celui de respirer. Je t’aime de toute mon âme. Aime-moi aussi un peu, prends soin de toi et crois-moi bien ta fidèle

Juju

BnF, Mss, NAF 16337, f. 105-106
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « autrefois ».