4 avril 1873

Guernesey, 4 avril [18]73, vendredi matin, 7 h. ¾

C’est à ton tour, mon cher grand bien-aimé, à te lever plus tard aujourd’hui ; mais, hélas ! je n’en n’ai pas plus profité que quand c’est au mien et je reviens bredouille de ma faction ce matin comme hier de ma paresse, ce qui fait que je ne suis pas plus contente d’une façon que de l’autre ; moins encore, si c’est possible, car j’ai la crainte que tu n’aies passé une mauvaise nuit, ce qui ajoute une tristesse à mon guignon. Cependant je ne veux pas être ingrate envers la providence qui nous a donné une bonne petite promenade hier et je lui demande de nous en donner encore une pareille demain puisque, dans aucun cas, nous ne pouvons pas sortir aujourd’hui à cause du branle-bas général de ma maison et du dîner de tous les de Putron. À ce propos, je te supplie de ne pas te tourmenter des on-dit de Guérin au sujet de ton fils et de projets en l’air qui se font au fil de la conversation et auxquels on n’attache aucune importance ni avant ni pendant ni après parce qu’ils sont irréalisables même pour ceux qui les font. Tu as assez de soucis trop réels, mon pauvre grand éprouvé, sans y ajouter de factices. J’espère que les premières nouvelles que tu recevras de ton cher petit Victor me donneront raison de ce côté-là contre le cancan du citoyen Guérin. D’ici là, mon cher adoré, il faut avoir confiance en ceux que tu aimes et qui t’aiment et compter sur la bonté de Dieu pour qu’il te donne le bonheur que tu désires et auquel tu as droit. Je t’adore.

BnF, Mss, NAF 16394, f. 91
Transcription de Maggy Lecomte assistée de Florence Naugrette