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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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20 juillet [1838], vendredi matin, 10 h. ¾

Bonjour mon cher petit bien-aimé, bonjour, je t’aime. Comment vas-tu mon petit homme adoré ? Comment va ma Dédé et comment vont tes chers beaux yeux ? Je vais te faire de la bonne eau aujourd’hui. L’autre servira ici pour te laver car elle ne peut qu’être moins bonne que celle que je te fais moi-même mais ne peut pas te faire de mal. Je suis furieuse après le bijoutier. Figure- toi qu’après être convenu de faire la bague à 4 F., il ne veut plus la donner maintenant à moins de 5 F. à cause du parce que du hideux boutiquier de mauvaise foi. Quanta à la chaine, elle est très mal raccommodéeb et sera peu solide, j’en suis sûre. Somme toute, je suis furieuse mais je t’aime de toute mon âme. En revanche, je t’aime plus que tu n’en as besoin pour être heureux. L’excédent ne sert qu’à te tourmenter et à te fatiguer mais qu’y faire, ce n’est pas ma faute ! Je m’arracherais plutôt le cœur que d’ôter une seule parcelle de mon amour. Il faut que je t’aime trop, c’est mon état, je n’en peux ni n’en veux avoir d’autre.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16335, f. 77-78
Transcription de Sandra Glatigny assistée de Gérard Pouchain

a) « quand ».
b) « racommodée ».


20 juillet [1838], vendredi soir, 6 h. ½

Je vous remercie, mon amour, de votre continence mais je vous remercierais bien mieux encore si vous n’aviez pas regardé la jolie fille. Enfin, pour vous encourager à bien faire, je veux vous témoigner beaucoup de reconnaissance de l’acte héroïque que vous avez fait tantôt. Je ne sais pas, mon adoré, si c’est parce que tes yeux ne vont pas si bien qu’hier ou parce que je ne t’ai pas assez vu, toujours est-il que j’ai la fièvre et que je suis triste et abattue comme s’il m’était arrivé un grand malheur. Tâche mon cher bien-aimé de venir un peu plus tôta ce soir, j’en ai besoin, je t’assure, pour ne pas me laisser découragée tout à fait. Je suis bien contente pour toi et pour tout ce que tu aimes, que ta chère petite Dédé soit tout à fait bien. Je vais faire ton eau tout à l’heure avec le soin, l’amour et le désir de te guérir. Il est vrai que j’en ai fait autant hier mais je n’étais pas chez moi et c’est ce qui a pu rompre le charme car je crois à mon magnétisme et je t’adore plus que jamais.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16335, f. 79-80
Transcription de Sandra Glatigny assistée de Gérard Pouchain

a) « plutôt ».


20 juillet [1838], vendredi soir, 8 h.

Je suis placée entre deux délicatesses : celle de ménager tes pauvres yeux adorés et ton temps si précieux pour nous tous tant que nous sommes ; mais aussi j’ai une dette à acquitter, un engagement à remplir, celui de t’écrire une lettre en plus de celles que j’ai l’habitude de t’écrire tous les jours, chaque fois qu’un mot, une ligne de ta main adorée me sera donné par toi. Ainsi, dans les deux délicatesses où je suis placée, je préfère celle qui va aux besoins de mon cœur car, si tu savais, mon amour, l’amour me déborde. J’en suis à aimer d’amour tous les objets inanimés qui t’ont servia et que tu as touchés, et encore, le trop plein de mon cœur me brûle et me donne la fièvre. Il y a des moments où je crois que ma poitrine et ma tête vont se fendre pour donner passage à tous les sentiments qui se multiplient de seconde en seconde dans mon âme. Je t’aime, mon Victor bien-aimé, n’en doute pas car ce seraitb un sacrilège.

Juliette.

BnF, Mss, NAF 16335, f. 81-82
Transcription de Sandra Glatigny assistée de Gérard Pouchain
[Souchon]

a) « servis ».
b) « serais ».

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