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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Paris, 19 février [18]72, lundi soir, 5 h.

Je crois, mon cher bien-aimé, que j’aurai bien de la peine à conserver la pauvre petite loge que tu as eu la bonté de me donner pour ce soir tant la curiosité pour cette première représentation enfièvre tout le monde [1]. Ainsi voilà que tu me fourres le bonhomme Robelina qui n’est rien moins que sylphe. Pour peu que tu oublies que cette baignoire ne contient que quatre places, la mienne comprise, et que tu en disposes encore, ne fût-ce que pour une seule personne, me voilà forcée de renoncer au plaisir d’assister à cette solennité archi-intéressante. Que ta volonté soit faite, ce n’est pas la première fois que j’aurais fait de nécessité vertu en renonçant à ma part de bonheur. Donc j’en prends mon parti d’avance. À propos, il paraît que la veuve de Mondorf [2] a repris ses petites et grandes entrées chez ta belle-fille et chez toi et qu’elle y a déjeuné ce matin. Je viens de la voir passer avec Mme Charles qui lui a montré ma maison du doigt. J’espère qu’on ne m’imposera pas de prendre cette dame en pension, pas même au cachot, car je m’y refuse absolument, dussé-je aller dîner chaque fois qu’on le tenterait au bouillon Duval [3]. Maintenant que tu es averti c’est à toi d’agir comme tu l’entendras…. Je ne veux ni te gêner ni me sacrifier. Mon amour ne doit pas être un long martyr.

BnF, Mss, NAF 16393, f. 47
Transcription de Guy Rosa

a) « Roblin ».

Notes

[1Ruy Blas est repris à l’Odéon, avec la jeune Sarah Bernhardt dans le rôle de la Reine et Lafontaine (qui sera remplacé par Berton) dans celui de Ruy Blas.

[2Cette personne est difficilement identifiable. D’après Jean Savant (source à manier avec précaution, car pas toujours fiable), il s’agirait de Mme Trigand de la Tour, rencontrée voilée aux Bains de Mondorf le 7 septembre 1871. Elle y était venue exprès pour Victor Hugo, à qui elle aurait demandé sans ambages, quatre jours plus tard, de lui faire un enfant – avant de le revoir à Paris. (Jean Savant, La Vie sentimentale de Victor Hugo, t. 5, Amours & Légendes, Le faune et ses cent nymphes, Hypothèses abusives, Lectures fautives, Chez l’auteur, 1983, p. 60-61). Dans ses Carnets de la guerre et de la Commune, Victor Hugo raconte ses autres rencontres, aux Bains, avec cette femme qu’il dit « séparée » de son mari (Voyages, Bouquins, p. 1183-1185). [Remerciements à Jean-Marc Hovasse].

[3Grands restaurants bon marché lancés en 1854 par le boucher Pierre-Louis Duval (1811-1870).

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