7 septembre 1873

Paris, 7^a septembre [18]73, dimanche après-midi, 1 h. ¾

Quoi que tu en dises, mon cher bien-aimé, tu te laisses^b un peu trop encombrer par le BEAU SEXE. À force d’aspirer au titre de Petit manteau bleu [1] des cocottes dans la débine tu finiras par ne savoir où donner du corps, pas de chasse, fût-ce celui d’Hernani. À ta place je ne me prêterais pas si bénévolement à cette exploitation en couple réglée de ton temps, de ta bourse et de ton influence sans savoir qui y a droit et qui en profite^c. Ta nouvelle pratique de tout à l’heure me paraît une Agnès [2] très expérimentée dans l’art de piquer la curiosité à force de mystère et de poste restante. Il est vrai que ce qui réussit auprès de toi, loin de m’intéresser me ferait l’effet contraire. C’est pour cela que je m’empresse de reconnaître l’inutilité de mes observations dont tu ne saurais que faire. En somme ce que je trouve assommant te paraît naturellement fort agréable, c’est pourquoi tu fais bien de t’y prêter et d’y persister. « Il faut au sultan des sultanes, il faut des perles au poignard » [3]. Je ne t’en remercie pas moins de m’avoir offert de sortir avec toi tout à l’heure mais mon rhume trop réel me force à garder la chambre encore quelques jours. Tu m’as donné de quoi prendre patience jusqu’à ton retour. Je vais en profiter tout de suite pour que tu me donnes d’autres merveilles à copier demain. Je t’adore.

BnF, Mss, NAF 16394, f. 261
Transcription de Manon Da Costa assistée de Florence Naugrette
[Blewer]

a) « 8 » corrigé d’une autre main.
b) « laisse ».
c) « profites ».