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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Paris, 12 août [18]73, mardi matin, 6 h.

Que Dieu bénisse ton sommeil, mon cher bien-aimé, et qu’il bénisse ton réveil en te donnant de bonnes nouvelles de la nuit de ton cher Petit Victor [1], et de tout le petit groupe sacré de l’avenue des Tilleuls [2]. Je n’ai pas dormi de la nuit et je me lève presque comme je me suis couchée, ce qui ne m’empêche pas d’être très gaillarde ce matin. Si j’avais su où sont les bains, et si nous nous en étions entendus hier soir, j’y serais allée ce matin pendant que toute la maison dort à poings fermésa. Ce n’est que partie remise. En attendant ma vieille néphrite est rencognée dans mes profondeurs, sans l’aide et sans le secours de rien ni de personne. J’aime autant ça. J’attends, non sans une certaine venette [3], ta lettre imprimée à ce fantoche féroce qu’on appelle Broglie, pourquoi pas Imbroglio ? Bon, voilà que je fais de l’esprit à jeun ; cela me portera malheur pour ma bêtise de la journée. Je m’empresse de me réfugier dans mon amour qui t’adore.

BnF, Mss, NAF 16394, f. 235
Transcription de Manon Da Costa assistée de Florence Naugrette

a) « poing fermé ».


Paris, 12 août [18]73, mardi matin, 7 h. ¼

À défaut d’autre qualité, mon cher adoré, j’ai celle de la stricte probité comme le prouve ma seconde restitus ce matin. Il est vrai que je n’y ai aucun mérite puisque c’est à mon avantage ; chaque gribouillis qui te sont destinés sont autant de sujets de bonheur pour moi. Plus je t’admire, plus je t’aime, et plus je te le dis, et plus je suis heureuse. Aussi, si je n’écoutais que mon égoïsme, je passerais ma vie touteb entière à écrire cet unique mot : je t’aime ! Ah, voici la jeune Henriette levée, ça n’est pas malheureux ! Depuis que nous sommes hors de la maison de Guernesey c’est la première fois que ce phénomène sec produit. A ce propos, je crois qu’il ne serait pas inutile de nous entendre pour régler un peu ce provisoire domestique et de domestiques [4]. Je t’en dirai quelque mot au déjeuner si tu le permets. Ce n’est pas dimanche dernier qu’était la fête de ma chère petite Claire, mais aujourd’hui. Je ne le regrette pas puisque cela me fait la prier de nouveau aujourd’hui pour toi et pour ton cher malade [5]. Je la prie d’obtenir du bon Dieu son prompt rétablissement et la grâce pour nous de mourir ensemble.

BnF, Mss, NAF 16394, f. 236
Transcription de Manon Da Costa assistée de Florence Naugrette

a) « te sont ».
b) « tout ».
c) « ce ».

Notes

[1François-Victor, malade.

[2Juliette Drouet désigne ici l’avenue d’Eylau bordée de tilleuls, où vit François-Victor Hugo.

[3Terme populaire désignant la peur, l’inquiétude.

[4Jeu de mots récurrent chez Juliette Drouet.

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