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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 21 juillet [18]73, lundi, Saint Victor, 7 h. 20 m. du matin [1]

Je t’ai vu, mon cher bien-aimé, je t’ai souri, je t’ai béni comme je le fais tous les jours chaque fois que je te vois. Aujourd’hui il me semble que mon âme se dédouble et s’envole près de ton cher fils pour lui porter toutes tes tendresses et toutes les miennes après avoir demandé à Dieu d’en extraire le baumea qui peut le guérir. En attendant que ce bonheur nous arrive il ne peut pas y avoir d’autres fêtes pour nous que de nous aimer et c’est à quoi je m’applique de tout mon cœur en te priant d’en faire autant de ton côté. L’amour est une force capable de défendre et de protéger ceux que nous aimons contre tous les maux de la vie. Unissons donc le nôtre pour arracher ton cher petit Victor à la maladie qui l’opprime depuis longtemps. J’espère avec l’aide de Dieu que nous en viendrons bientôt à bout. J’attends avec impatience la lettre d’E. Allix pour savoir où en est la convalescence de ce cher petit souffrant. Quelle joie pour nous si elle était selon que nous la désirons. J’en ai rêvé une partie de la nuit. Quel bonheur si mon rêve était une réalité ! Espérons et confions-nous à Dieu. J’associe à ma prière toutes nos chères âmes de là-haut, sans oublier le bon saint Victor dont l’âme ne peut pas rester indifférente à tout ce qui intéresse la santé et la vie des deux hommes qui portent si glorieusement son nom sur la terre, toi et ton digne fils. J’espère en eux, j’espère en lui, j’espère en NOUS, j’espère en Dieu. Il est impossible que tant de foi, tant de confiance, tant de prières et tant d’amour soient trompés. Je t’aime, je t’adore et j’attends.

BnF, Mss, NAF 16394, f. 220
Transcription de Manon Da Costa assistée de Florence Naugrette

a) « beaume ».


Guernesey, 21 juillet [18]73, lundi, Saint Victor, 5 h. ½ du soir

Cher adoré, je lutte de pattes de mouche, de style et d’amour avec Petit Georges, avec Petite Jeanne et avec leur mère. Ça ne sera pas de ma faute si je suis distancée à cette course de tendresse mais j’ai vieille et j’ai bête et le temps me manque en ce moment ; il est déjà cinq heures et demie passées et je ne suis ni débarbouillée ni coiffée encore parce que j’ai dû mettre le couvert et arranger mon dessert moi-même à cause de l’inexpérience de la jeune Joséphine. Ceci me fait penser à te demander de supprimer la voiture à partir de demain si tu tiens à ce que je sois prête à m’embarquer lundi ou mardi prochain. Tu le comprendras, sachant que le collationnement n’est pas tout à fait fini et sachant aussi, de reste, combien je suis patraque et fatiguée depuis longtemps. Et moi qui voulais ne te parler que des petits enfants, de ton cher fils, de toi et du bonheur que tu vas avoir à les revoir ; et qui, au lieu de cela, t’assomme d’un tas de choses oiseuses et oisonnes. Pardonne-moi mon cher bien-aimé en faveur de ma bonne intention. Je te supplie de ne pas t’attrister pour ton cher Petit Victor [2]. Je suis sûre que tu le trouveras bien mieux que tu ne le crois et je suis sûre aussi que la joie de te revoir lui fera un bien extrême qui hâtera sa guérison. Hâtons-nous donc de partir le plus vite possible. Je t’adore.

BnF, Mss, NAF 16394, f. 221
Transcription de Manon Da Costa assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Jour du départ de Blanche pour Paris, qui était revenue secrètement auprès de Hugo quelques jours après son départ forcé du 1er juillet. « Carnet de V.H. : « Elle s’en va aujourd’hui. A 5 h. ½ elle a disparu. A 7 h. moins 10 m. effacement de la voile. » », V. Hugo, Œuvres complètes, édition chronologique publiée par J. Massin, CFL, 1967-1970, 18 vol., t. 15-16/2.

[2François-Victor Hugo, malade.

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