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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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9 juin [1838], samedi matin, 10 h. ½

Bonjour mon cher petit homme, comment va ton genoua ? Vous n’êtes pas gentil, mon ami, de n’être pas venu vous faire soigner ce matin, j’y comptais mais…. je me suis trompée. Au reste, mon pauvre adoré, je comprends plus que jamais l’éloignement que tu as pour moi, je ne t’en veux pas. Dans le cas, mon bien-aimé, où ton genoua te ferait encore mal ce matin, il faudrait faire cette petite friction bien simple que tu m’as vue faire cette nuit.
Je pense que tu es peut-être à l’enterrement de cette pauvre duchesse d’Abrantès ce matin, ce qui m’expliquerait ton absence. Tâche de ne pas te fatiguer et d’éviter les accidents que ta distraction multiplie autour de toi. Je suis inquiète chaque fois que je ne te vois pas, c’est toujours, mais au moins tâche que j’en sois quitte pour la peur. Pauvre bien-aimé adoré, tu l’as échappé belle hier, ça fait frémir d’y penser. Je t’aime, mon Victor, j’ai les yeux gros comme le poing et le cœur comme les tours de Notre-Dame. Je suis triste, j’ai besoin de te voir et je t’adore. Bonjour mon petit o, bonjour mon gros To. Vous voyez bien que je vous ris, venez bien vite. Je t’aime, mon Toto, de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 248-249
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain

a) « genoux ».


9 juin [1838], samedi soir, 9 h. ½

Mon pauvre bien-aimé, depuis que tu m’as quittée, mon âme te suit partout. Je porte ton cher petit genoua sur mon cœur, j’ouvre les bras par un mouvement d’amour involontaire pour te porter. Je t’aime, mon Toto. Jamais mon Victor bien-aimé, tu ne sauras comment je t’aime.
J’ai trouvé Mme Triger chez Mme Pierceau. J’ai dînéb avec elles deux. Mon cher adoré, j’avais le cœur gros de t’avoir quitté encore souffrant. Et puis l’histoire de cette pauvre Duchesse m’a mis du noir dans l’âme [1]. C’est si lamentable et si misérable que la mort de cette pauvre femme que j’ai fait sur moi-même et sur ma mort un rapprochement hideux. Mais j’espère que Dieu m’exaucera et que je mourrai avant que tu aies cessé de m’aimer tout à fait. Pardon, mon bien-aimé, de t’attrister de mes tristesses. Reviens bien vite, mon Toto chéri. J’ai bien besoin de te voir, j’ai besoin de ton regard pour relever mon courage, j’ai besoin de ta bouche pour respirer, j’ai besoin de ton soufflec pour vivre. Prends bien garde qu’il ne t’arrive rien. Vous n’avez que le droit de me baiser, mon Toto chéri.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 250-251
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain

a) « genoux ».
b) « dîner ».
c) « soufle »

Notes

[1Dans la lettre précédente, écrite le même jour, Juliette Drouet évoque l’enterrement de la duchesse d’Abrantès.

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