Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1846 > Juillet > 17

17 juillet [1846], vendredi soir, 10 h.

J’ai le cœur gros, mon adoré, parce qu’il m’a paru que tu m’as quittée avec froideur tantôt. Si c’est parce que j’ai eu la curiosité d’aller voir comment on s’y prenait pour mouler ce buste pendant que tu étais occupé à travailler, je t’en demande pardon à genoux, mais je ne pensais pas te déplaire et je me croyais obligée de m’intéresser à l’ouvrage de ce bon jeune homme [1]. Cela n’arrivera plus puisque tout est fini, moins une petite séance de retouches, lundi ou mardi, après laquelle tout sera dit. Maintenant je reprendrai ma vie de solitude et de tranquillité avec d’autant plus de bonheur que j’en ai été privée les dix jours où il m’a fallu poser et causer avec ces braves gens [2]. Je désire que tu trouves dans le talent de ce pauvre diable un motif suffisant pour le recommander et t’intéresser à lui, à cause d’Eugénie que cela peut servir beaucoup. Je voudrais que tu saches déjà à quoi t’en tenir à ce sujet et je voudrais surtout que tout ton bon vouloir et toute ta bonne grâce retombent en affection et en reconnaissance sur cette pauvre Eugénie, et se convertissent en un bon mariage (s’il en est).
Mon Victor chéri, l’heure s’avance et tu ne viens pas. J’espérais pourtant que tu ne me laisserais pas finir cette lettre et que j’aurais été dans la douce nécessité de te demander crédit pour jusqu’à demain. Je vois que je me suis trompée et mon pauvre cœur n’en est que plus triste et plus serré. Il ne pourra se dilater que lorsque tu seras là et que tu m’auras assurée que je me suis trompée en croyant avoir vu que tu t’en allais fâché. Tâche que ce soit bientôt, afin que je souffre moins longtemps et que je te voie un peu plus. D’ici-là je vais bien te désirer, bien t’aimer et bien te baiser de la pensée et du cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16363, f. 233-234
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Victor Vilain est en train de réaliser un buste de Juliette.

[2Pour chaque séance, le sculpteur se rend chez Juliette accompagné par son amante Eugénie Drouet, cousine de Juliette.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne