8 décembre 1860

Guernesey, 8 décembre 1860, samedi soir 4 h. ¾

Je te plains, mon pauvre bien-aimé, car je sais par moi-même ce que c’est qu’un mal de tête. J’espère que la diversion du barbier et surtout un peu d’exercice te soulageront un peu d’ici au dîner^a sur lequel je compte pour te guérir tout à fait. En attendant, je tâche de ne pas me laisser aller à une tristesse qui n’aurait d’autre résultat que de te contraindre à dissimuler ta souffrance et à te faire faire des efforts pour être gai, ce qui serait insupportable pour toi et ne me donnerait d’ailleurs pas le change sur ton véritable état de santé. Mais je veux à force d’amour te magnétiser et forcer ce vilain mal de tête à battre en retraite. Quel bonheur si je réussissais ! Je viens d’allumer un bon feu pour te sécher quand tu reviendras malgré qu’il ne pleuve pas en ce moment-ci mais l’air est tellement imprégné d’humidité qu’il semble [que les ?] habits soient tout mouillés et puis, mon cher adoré, je crois que je touche à la fin de tous mes arias de nettoyage^b. Dans très peu de temps je serai ou plutôt nous serons sur le velours du bric-à-brac. Tiens te voilà quel bonheur !

7 h. ¾

Mon pauvre bien-aimé, tu veux que je mette sur le seul compte de ton mal de tête la préoccupation^c et la froideur que tu me témoignes tantôt sans que je sache pourquoi. Puisse le dîner te guérir et ton cœur me rendre plus de justice. C’est le vœu bien sincère et bien ardent de ta pauvre Juju qui t’aime trop.

BnF, Mss, NAF 16381, f. 315
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette

a) « diner ».
b) « netoyage ».
c) « préocupation ».