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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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14 mai 1836

14 mai [1836], samedi matin, 9 h.

Vous m’avez encore manqué de parole, affreux scélérat. Je suis très en colère contre vous et je ne vous aime plus. C’est le CHAT [1].
Vous auriez dû venir au moins ce matin prendre votre tisanea, mais vous êtes aussi négligent de votre personne que de celle de votre maîtresse, ce qui n’est pas peu dire. Je ne veux pas [bouder  ?] contre mon cœur, sans cela je vous ferais une fameuse SCÈNE dont toute votre grandeur ne pourrait pas servir de PARAPET CONTRE LES DÉBORDEMENTS de ma trop juste INDIGNATION.
Je t’aime toi, je t’aime. Je suis votre VICTIME. Vous m’avez encore abandonnéeb cette nuit et j’étais dans le plus grand désespoir, attendu que c’était à bord d’un bâtiment et qu’il n’y avait pas moyen de courir après vous. Heureusement que j’ai pris terre ce matin et que je pourrai vous donner une pile ou plusieurs piles si vous me jouez d’un si vilain tour. En attendant je vous aime, je vous fais de la tisanea et je continue mon mal de tête avec succès. Si vous étiez venu cette nuit, vous me l’auriez guéri. Mais vous ne voulez plus venir jamais, ça fait que je suis toujours malade et que je vous aimerai toujours de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16327, f. 51-52
Transcription d’Isabelle Korda assistée de Florence Naugrette

a) « tisanne ».
b) « abandonné ».


14 mai [1836], samedi soir, 7 h.

Cher adoré, voici l’heure à laquelle je pouvais espérer te voir passer. Il est bien vrai que j’ai sur mon cœur et dans ma pensée ta bonne, ton adorable, ta ravissante lettre d’aujourd’hui [2] et jamais je n’ai pu réunir en une seule fois le bonheur de te lire et de te voir. Aussi étais-je presque certaine que je ne te verrais pas ce soir.
Pauvre ami, je sais que tu travailles, je sais quel effort tu as été obligé de faire pour me donner une marque d’amour aussi est-elle aussi précieuse pour mon cœur que ta présence elle-même l’aurait été. Avant de quitter l’autre [3], je l’ai relue et baisée de toutes mes forces. Il m’en coûtait de m’en séparer. Je voudrais pouvoir les garder toutes sur moi comme j’en garde le souvenir dans mon cœur.
Chère âme, viens le plus tôt que tu pourras car c’est la vie, c’est la lumière, c’est le soleil que tu m’apportes en toi. Mais quel que soit ton travail et quel que soit le temps que tu seras forcé de passer loin de moi, sois sûr que je t’attendrai avec résignation et avec amour, l’âme et la pensée toujours fixéesa vers toi. Cher ange adoré, je voulais t’écrire plusieurs lettres à la fois mais j’ai pitié de tes pauvres yeux. Tu n’y perdras rien d’ailleurs car je vais mettre toute mon âme dans ce seul mot, JE T’AIME et je mets tout mon cœur dans un baiser icib.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16327, f. 53-54
Transcription d’Isabelle Korda assistée de Florence Naugrette
[Blewer]

a) « fixé ».
b) Ellipse marquant l’emplacement du baiser :

© Bibliothèque Nationale de France

Notes

[1À élucider.

[2Dans cette lettre du 14 mai 1836, publiée par Jean Gaudon, édition citée, p. 56, Hugo écrit : « […] Cette lettre va remplacer l’autre sur ton sein. Cette lettre va répondre tout bas des paroles d’amour aux palpitations de ton cœur. »

[3Hugo lui a écrit le 8 mai une lettre publiée par Jean Gaudon, édition citée, p. 84.

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