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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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20 avril [1836], mercredi matin, 10 h.

Bonjour, mon cher bien-aimé. Comment vas-tu ce matin ? J’ai passé une bien mauvaise nuit. A six heures du matin, je ne pouvais pas dormir. J’ai lu toute la matinée et enfin me voici t’écrivant de mon lit, mais étant encore fort malingre. Ce qui est cause que je sens encore plus à quel point je t’aime et combien tu es indispensable à ma vie. Je voudrais pouvoir te le cacher, parce qu’il est certain que la certitude où tu es que je t’aime plus que tout au monde t’empêche d’avoir pour moi l’amour inquiet et prévenant qui fait tout le charme d’une liaison comme la nôtre. Sois sûr, mon cher adoré, que ce n’est pas une exigence pure et simple de ma part quand je trouve que tu n’es pas avec moi comme tu devrais être. C’est un besoin du cœur que je t’exprime, le besoin le plus impérieux, celui de recevoir des marques non équivoques de tendresse et d’amour, sous la forme qui convient à l’amour. Je te le répète parce que c’est profondément senti. J’ai plus besoin d’amour que de dévouement. J’ai plus besoin d’amour que de pain. Avec l’amour, je suis riche. Sans l’amour, je suis pauvre et dénuée. Je ne veux de toi que de l’amour sous la forme amour. Tout le reste, je le repousse de toutes mes forces. Un mot de ta main m’est plus précieux que tous les billets de banque du monde. Une caresse de toi m’est plus nécessaire que tous les besoins de la vie.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16326, f. 326-327
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa
[Souchon]


20 avril [1836], mercredi soir, 8 h. ½

Mon cher Victor bien aimé, je t’aime, c’est tout ce que je puis dire pour ma justification. Je t’aime. C’est tout ce dont je me souviens. Je veux toujours t’aimer, c’est ma résolution pour l’avenir si ce n’était pas déjà ma vie.
On vient de m’apporter la sérénade d’ANGELO. On l’avait remise à la portière avec une petite lettre que j’ai lue parce que j’ai cru qu’il n’y avait pas d’indiscrétion ; j’ai vu aussi que la sérénade était dédiée à Mme L. K.+++ [1] et sempre bene.
Mon cher bijou, j’ai un mal de tête si excessif que je ne sais vraiment pas que faire de ma caboche. Dans le cas où tu viendrais, je te prierais de me faire sortir pour essayer de le dissiper.
Je t’aime mon Victor chéri, n’oublie pas que je t’aime et ne me dis plus jamais de ces vilaines choses qui m’exaspèrent et que je ne mérite pas, je t’assure, et que je n’ai jamais méritées.
Quand tu liras ma lettre, tu seras tout prêt de te coucher. Aussi, je veux que tu prennes chacun de mes gribouillages pour sujet d’un doux rêve dans lequel tu me verras bonne et charmante et pleine d’amour et telle enfin que je suis dans ma peau d’âne.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16326, f. 328-329
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa

Notes

[1Laure Kraft, vraisemblablement.

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