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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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24 mai 1847

24 mai [1847], lundi matin, 8 h.

Bonjour, mon bien charmant et mon plus qu’adoré petit Toto. Bonjour et merci de ta bonne mais bien courte apparition. Je suis on ne peut pas plus fâchée et plus triste aujourd’hui de ne pouvoir pas profitera de la ravissante petite promenade que tu me proposais hier. Mais malgré le plus grand désir que j’en ai et quoique je ne me gêne pas avec la mère Lanvin il y aurait cependant quelque chose de désobligeant à faire attendre cette pauvre femme jusqu’à huit heures toute seule, après lui avoir assigné ce jour comme pouvant la recevoir sans me gêner. Si j’avais eu sa nouvelle adresse je lui aurais écrit de ne pas venir. Mais ne l’ayant pas tu vois que cela devient presque impossible à mon grand regret et très véritable chagrin. Toutes ces contrariétés successives redoublent et irritent mon mal de tête et de gorge. J’ai la tête comme dans une fournaise et la douleur de ma gorge s’étend jusque dans mon oreille gauche. Du reste je n’espère pas [deux mots illis.] soigner avant huit ou dix jours. Maintenant en attendant, et pour t’obéir, je viens de faire faire de la petite centauréeb [1] et puis je t’adore.

Juliette

MVH, α 7909
Transcription de Nicole Savy

a) « profité ».
b) « cintaurée ».


24 mai [1847], lundi après-midi, 2 h. ¼

Je suis toujours souffrante et grognon, mon cher petit homme, ce qui ne me rend pas plus aimable. La pensée de ne pas aller te conduire ce soir à Saint-James [2] entre pour beaucoup et même pour presque tout dans mon mal et dans ma mauvaise humeur. Et cependant plus j’y réfléchis et plus je suis convaincue que cela ne se peut pas. Il y a des choses qu’on ne peut pas éluder dans de certaines occasions et la visite de la mère Lanvin dans la circonstance présente en est une. Ce qui fait que je n’en bisque que mieux et que plus.
J’ai écrit ce matin à Eugénie de venir me parler, sans m’expliquer autrement, tout en lui disant que c’est dans son intérêt personnel. Quand tu voudras j’écrirai à Dabat pour tes souliers.
Quand je serai guérie je te jouerai une partie de dames dont tu me diras des bonnes nouvelles. Je t’assure que la sauce n’en sera pas blanche pour toi et que tu pourras l’avaler jusqu’à ta dernière culotte [3]. En attendant, je salive, je geins, je grogne, je souffre et je rage.
Mais je vous désire, je vous espère, je vous attends, je vous aime et je vous adore, ce qui est encore pire.

Juliette

MVH, α 7910
Transcription de Nicole Savy

Notes

[1Petite gentiane d’usage traditionnel pour soigner les problèmes digestifs et la fatigue.

[2Victor Hugo se rend-il au théâtre de la Folie Saint-James ? ou fait-il une visite au roi Louis-Philippe, qui avait gardé le château de Neuilly, sa résidence familiale, pour ses quartiers d’été, ou à un membre de la famille royale, à laquelle il est alors assez lié ?

[3Culotte : bombance, festin.

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