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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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16 mai 1877

Paris, 16 mai [18]77, mercredi soir, 5 h. ½

Cher bien-aimé, tu n’es pas sans savoir maintenant la menaçante frasque de Mac-Mahon contre le ministère qui ressemble à une répétition générale d’un coup d’État [1]. Du moins cela apparaît ainsi à tous ceux qui de près ou de loin sont intéressés à être bien informés. Mme Lockroy, avec laquelle je viens de causer, sortait de voir Jules Simon qui s’attend à un prochain Cayenne [2]. Lockroy est en permanence [3] à la réunion des trois gauches et te fait dire par sa femme que dans le cas où tu aurais quelque chose à lui faire savoir, d’envoyer chez Mme Balli où elle doit dîner, laquelle se charge de lui envoyer tout ce que tu auras [à] lui faire dire. Noël Parfait était arrivé pendant notre absence pour causer avec toi de la gravité de la situation. Ne te trouvant pas, il a laissé un mot pour toi. Le pauvre Boulet [4] lui-même est accouru tout effaré me raconter la chose. Jusqu’à présent je ne me sens pas trop tourmentée et Guernesey n’est pas pour moi un pis-aller trop effrayant. Cependant j’avoue que j’aurais préféré pour l’honneur et pour le bonheur de la France retourner dans cet Éden sous d’autres auspices que ceux d’un coup d’État.

BnF, Mss, NAF 16398, f. 132
Transcription de Guy Rosa

Notes

[1Hugo note : « 16 mai – Demi coup d’État. Chute du ministère. Lettre soldatesque de Mac-Mahon. » (CFL, t. XV-XVI/2, p. 894) Plusieurs circonstances (épuration de la haute administration, question de la liberté de la presse, agitation anticléricale) avaient mis en évidence le désaccord entre le Président et son gouvernement conduit par J. Simon. La lettre, publiée au Journal officiel le 16 mai, où le Président lui reproche son manque de fermeté et exige ses explications, provoque sa démission. Le même jour, Mac-Mahon le remplace par Albert de Broglie, un des chefs de la droite, très minoritaire à la Chambre mais encore majoritaire au Sénat. Le lendemain la Chambre adopte une motion de défiance envers le nouveau gouvernement ; Mac-Mahon y répond en ajournant les deux Assemblées pour un mois. Le 18, une réunion des trois gauches parlementaires – le Centre gauche, la Gauche républicaine (Ferry) et l’Union républicaine (Gambetta) –, à laquelle Hugo participe et où il intervient, adopte un manifeste dénonçant cette « politique de réaction et d’aventure ». Elle reçoit 363 signatures, dont celle de Thiers.

[2Jules Simon ne fut pas déporté au 2 décembre mais, ayant annoncé dans son cours en Sorbonne, qu’il voterait non au référendum de ratification du coup d’État, il fut immédiatement révoqué de son double emploi de professeur à l’Université et à l’ENS de la rue d’Ulm.

[3Terme du langage parlementaire ; une assemblée ou une réunion peut ainsi décider de siéger sans discontinuer et non selon un calendrier fixé ou un ordre du jour arrêté.

[4À identifier.

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