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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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28 mars 1847

28 mars [1847], dimanche matin, 10 h. ¾

Bonjour mon bien-aimé, bonjour, santé et bonheur à toi et à tous les tiens. Je suis allée ce matin entendre la messe et j’ai bien prié pour toi et pour tous ceux que tu aimes. Il y a aujourd’hui un an, par la date, que ma pauvre fille a pris le lit pour la première fois et un an hier par le jour. Tu penses si ces douloureux anniversaires attristent mon pauvre cœur. Pour les supporter avec courage je pense à toi et je t’aime de toute mon âme. Demain j’irai au cimetièrea et peut-être jusque chez M. le curé. Je voudrais savoir s’il a vu M. Pradier et ce qu’il lui a dit. Je serai revenue avant l’heure à laquelle tu as l’habitude de venir. J’espère que tu ne t’y opposeras pas. Il y a des moments où on sent le besoin de se rapprocher matériellement de ceux qu’on a perdus. Je suis dans un de ces moments et tu ajouterais à l’amertume de mes regrets en t’opposant à leur épanchement.
Tu sais que je ne te verrai pas ce soir, mon doux adoré, tu serais bien bon de venir plus tard qu’à l’ordinaire afin de me donner dans le jour le bonheur que tu ne pourras pas me donner la nuit. Je vais me hâter dans ce doux espoir. En attendant, je te baise autant de fois que je respire et je t’aime plein mon cœur et par-dessus les bords. Je t’adore.

Juliette

MVH, α 7873
Transcription de Nicole Savy

a) « cimetierre ».


28 mars [1847], dimanche après-midi, 2 h. ½

Je t’attends, mon cher bien-aimé, avec ce que j’ai de plus doux, de plus tendre et de meilleur en moi. Si tu ne te dépêches pas de venir, mon pauvre petit homme, je ne te verrai presque pas de la journée, car tu sais que le dimanche tu t’en vas encore plus tôt que d’habitude et que tu ne reviens pas dans la nuit. Je suis bien inquiète car je vois les minutes et les heures se succéder et tu ne viens pas. Ô si mon cœur pouvait pousser tes jambes et les diriger tu serais bien vite auprès de moi. Où es-tu, mon Toto ? Que fais-tu ? Penses-tu à moi ? Me désires-tu et m’aimes-tu un peu ? Quelle consolation ce serait pour moi d’avoir la certitude que tu penses à moi, que tu me regrettes et que tu m’aimes comme j’ai la certitude que tu es le meilleur, le plus noble et le plus généreux des hommes, ton génie à part. Malheureusement toutes ces adorables qualités sont autant de voiles qui me cachent le véritable état de ton cœur. Tu ne m’aimerais plus que tu n’en serais que plus dévoué, plus excellent et plus attentif à me le cacher dans la crainte bien fondée de me mettre au désespoir. Je le sais et je ne t’en aime que davantage sans en être plus rassurée. Je t’aime mon Victor. Je t’adore mon sublime bien aimé.

Juliette

Collection particulière / MLM / Paris, 65303 0003/0005
Transcription de Gérard Pouchain

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