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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 mars 1847

23 mars [1847], mardi matin, 9 h. ½

Bonjour, mon Toto adoré, bonjour, mon grand Toto, bonjour, je suis heureuse, je t’aime, j’irai te chercher tantôt. Je te remercie d’être revenu cette nuit et je te souris pour la permission que tu me donnes de t’aller chercher aujourd’hui et je t’aime et je t’adore en tout temps et en tout lieu. Comment vas-tu ce matin ? Ton rhume est-il enfin passé ? Il m’a semblé cette nuit que tu en souffrais moins. C’est à mon tour maintenant et je t’écris ceci avec accompagnement de : atchi ! atchi ! atchi ! atchi ! Du reste cela ne me fait rien, j’ai le temps de le couler à fond, ce n’est pas comme toi qui n’as même pas le temps de perfectionner un malheureux rhume de cerveau, jusqu’à la dernière goutte. On n’est pas plus à plaindre. Toujours est-il que je prends ta revanche car je n’arrête pas, atc, atc, atch, atchi ! C’est bien heureux !
Sont-ils heureux ces vieux pairs de France d’entendre les belles choses que tu dis et de voir ta noble et ravissante figure. On devrait les faire payer pour cela. Il n’est pas juste que ces vieux monstres jouissent de ce bonheur-là pour rien pendant que moi je donnerais mon sang et ma vie pour avoir le même bonheur qu’eux.

Juliette

MVH, α 7866
Transcription de Nicole Savy


23 mars [1847], mardi après-midi, 2 h. ¼

Je suis prête et archi-prête, mon petit Toto, et si tu veux m’emmener avec toi rien ne s’y opposera de mon côté. Il fait un temps ravissant et qui fait refleurir dans ma pensée et dans mon cœur tous mes bonheurs passés. Malheureusement tous ces charmants souvenirs ne portent pas graines pour l’avenir. Cependant le terrain est bon. Jamais je ne t’ai plus aimé, plus admiré et plus adoré qu’à présent. Mais pour féconder le bonheur il faut encore autre chose, à l’exemple de tout ce qui vit sous le soleil. Arbres ou fleurs, lions ou gazelles, aigles ou ramiers : il faut être deux et c’est justement la moitié si importante de ce chiffre magique qui me manque. Je suis trop souvent une pour être parfaitement heureuse. Mais je te rabâche là des choses que tu sais aussi bien que moi et que tu pratiquais victorieusement autrefois. Si jamais cette ravissante saison de l’amour joyeux et splendide revient pour moi, tu verras que mon cœur n’a rien perdu de sa sève et que je t’aime aussi ardemment que jamais. En attendant, je regarde le ciel bleu et je soupire. Cher, cher, bien cher adoré, tu ne peux pas savoir à quel point je t’aime, toute ton imagination ne peut pas approcher de ma réalité, toute ta poésie de ma tendresse ineffable pour toi et tout ton génie de mon admiration pour toute ton adorable petite personne.

Juliette

MVH, α 7867
Transcription de Nicole Savy

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