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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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18 mars 1847

18 mars [1847], jeudi matin, 10 h. ¼

Bonjour, bien-aimé, bonjour mon Toto adoré, bonjour comment vas-tu mon pauvre enrhumé ? Heureusement que ça ne peut pas avoir de suite grave mais c’est fort gênant et fort douloureux tout le temps que cela vous tient. Il n’y a absolument rien à faire si ce n’est à changer de mouchoir de quart d’heure en quart d’heure. Je t’offre les miens de bon cœur au risque d’attrapera ton mal qu’on dit être très contagieux. Je me dévoue, profitez-en pour vous moucher dans des nuages de batiste sans que cela vous coûte rien.
Je m’apprête pour aller te chercher tantôt je voudrais déjà y être. Je voudrais aussi avoir un autre endroit que la boutique de l’insipide Mlle Féau pour t’attendre. Si tu pouvais en inventer un je serais bien contente car rien ne m’ennuie plus que les quelques instants que je passe avec ces stupidement bonnes femelles. Cependant j’aime encore des millions de fois mieux voir leurs effroyables groins pendant deux heures pour jouir de votre joli museau pendant deux minutes que rien du tout. En attendant, j’espère que tu viendras baigner tes yeux en passant. J’y compte et je suis très heureuse.

Juliette

MVH, α 7860
Transcription de Nicole Savy

a) « attrapper ».


18 mars [1847], jeudi après-midi, 3 h. ¾

J’ai le cœur tout serré du chagrin de cette pauvre Louise [1], mais que pouvais-je y faire ? Je lui ai dit mot à mot ce que tu m’avais dit à moi-même, ce qui ne l’a pas calmée loin de là car il est clair que sa mère après m’avoir fait cette grave injure ne se sent pas disposée à me faire aucune excuse. Le père qui a plus de cœur et d’intelligence qu’elle m’a envoyé sa fille aujourd’hui mais cela ne suffit pas et je ne peux pas m’exposer à quelques nouvelles avanies de la mère. Quant à Eugénie, plus je vais en avant, plus la répugnance qu’elle m’inspire est profonde. Je voudrais pour tout au monde ne jamais être forcée de la revoir. Cependant je sais ce que je t’ai promis et je ferai plus que l’impossible pour tenir ma promesse. Je voudrais être plus vieille pour être déjà bien loin de ces honteuses turpitudes.
Tout cela a pris le meilleur de mon temps aujourd’hui et la plus grande place de mon papier et je ne t’ai pas encore dit combien je t’aime et combien tu es ma joie et mon bonheur. Il est vrai que tu le sais de reste et que ce que je t’en dis tous les jours n’est que pour ta mémoire et ma satisfaction particulière. Je te le répète en gros afin que tu ne l’oublies pas : je t’adore.

Juliette

MVH, α 7861
Transcription de Nicole Savy

Notes

[1Allusion aux reproches de Mme Rivière à l’encontre de Juliette, rapportés par cette dernière dans la lettre du 15 mars, sur sa conduite pendant la maladie de Claire.

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