Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1847 > Mars > 12

12 mars 1847

12 mars [1847], vendredi matin, 10 h.

Bonjour, mon bien-aimé, bonjour mon beau Toto. Oh ! ce marquis ! Le fait est que je ne vous ai jamais vu plus beau que cette nuit. C’est dommage que je vous aie vu si peu. Cher adoré, mon beau garçon, mon délicieux Toto, je suis folle de vous. Ce n’est pas une manière de parler, c’est la vraie vérité. Je suis honteuse quand je me compare à vous et je n’ose plus vous aimer au grand jour. Cependant je suis bien sûre que dans toutes les plus jeunes et les plus jolies femmes de ce monde, il n’y en a pas une dont le cœur vaille le mien. Je sais bien ce que je vaux au fond mais il est bien triste que le contenant soit aussi peu digne du contenu. Cependant il faudra vous en contenter car je ne suis pas femme à vous céder à un autre sous aucun prétexte. Ainsi, mon petit Toto, il faut vous résigner à votre malheureux sort et vous contenter d’être mon amant à moi toute seule si vous tenez à votre vie. Je vous laisse être beau pour tout le monde, ne pouvant pas l’empêcher, mais je vous défends d’être autre chose pour qui ou quelque que ce soit ou je vous tue. Baisez-moi et résignez-vous.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 57-58
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette


12 mars [1847], vendredi soir, 7 h.

Je vous succède à la table à écrire sans trop de désavantage, j’ose m’en flatter. Je dirais mieux si je ne craignais pas de vous humilier ; mais je veux ménager votre amour-propre d’auteur et ne pas vous décourager par l’évidence de ma supériorité.
Avec tout cela vous m’avez quittée de bien bonne heure. À quoi cela sert-il donc que vous ayez un jour de répit si vous ne m’en donnez pas un quart d’heure de plus ? Répondez, monstre d’homme, si vous pouvez et si vous l’osez. Ne serait-ce pas vous par hasard qui auriez demandé pour demain les deux fauteuils historiques [1] que vous mettez sous le pseudonyme charlot ? Cela paraît plus vraisemblable que de croire que vous soyez, vous, homme très occupé, si bien informé des intentions et des actions de Charlot. Et si ce que je dis est vrai, comme c’est vraisemblable, je vous demanderai pour qui ces délicieux fauteuils et pourquoi me cacher que c’est à vous qu’on les enverra ? Si je me trompe, mettez que je n’ai rien dit. Mais si je ne me trompe pas, vous me trompez, et pour qui et pourquoi, voilà ce qu’il m’importe de savoir et ce que je saurai avec ou sans votre gracieuse permission. En attendant, je vous aime comme si vous le méritiez et je vous désire comme si je vous étais aussi nécessaire que vous me l’êtes.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 59-60
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Selon toute vraisemblance, Hugo a réservé au nom de son fils Charles deux places au Théâtre Historique, où l’on joue La Reine Margot de Dumas. Juliette soupçonne que ces deux places sont en réalité pour lui-même et une autre femme.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne