Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1854 > Août > 15

15 août 1854

Jersey, 15 août 1854, mardi après midi, 4 h.

Je reprends possession de ma restitus, mon cher adoré, aujourd’hui, jour anniversaire d’une ravissante petite promenade à Pontoise faite ensemble en 1851 [1]. Nous avions chacun notre main l’une dans l’autre et nos âmes s’enlaçaient dans nos baisers ; t’en souviens-tu ? Aujourd’hui, nous sommes chacun dans notre monotone compartiment de vie, ce qui n’empêche pas mon cœur de courir après le tien à l’aide de mes pauvres pattes de mouches. Le rattrapera-t-il ? Je l’espère, sans trop y compter pourtant, tant je me défie de mon habileté à cette chasse à courre de l’amour à travers vos coquetteries jersiaises. Tu as bien fait d’être prudent ce matin, mon cher petit homme, et tu feras mieux encore en ne prenant pas de bain parmi les rochers à la marée haute et par un grand vent comme celui d’aujourd’hui. Un accident est si vite arrivé et je serais si malheureuse s’il t’en arrivait un que je te supplie avec tout ce que j’ai de plus persuasif et de plus tendre dans le cœur de redoubler de précaution pour les éviter. Du reste, si l’ouragan persiste pendant la journée de demain il te sera impossible raisonnablement d’essayer de satisfaire ta passion immodérée de natation. Quant à moi je ne risquerai certainement pas mes rhumatismes dans cette mer colérique et maussade, dussé-jea en ébrécher toutes les dents de votre scie. Telle est ma résolution. Maintenant, mon cher petit taquin, vous seriez bien gentil de me donner votre soirée dimanche prochain pour que je la partage entre le bonhomme Durand et tous les Guay mélancoliques et moi. Cette dette d’hospitalité une fois payée, nous serions plus libres dans le choix de nos convives et celui des jours qui te conviennent le mieux. Cependant si cela te gêne trop pour ce jour-là j’attendrai celui qu’il te plaira de m’indiquer pour en faire part à ces braves démocrates. En attendant je t’aime sans perdre de temps et comme si j’étais payée pour cela, ce qui alors ne serait pas un mérite, tandis qu’il n’enb est rien, vous le savez bien, mauvais débiteur que vous êtes. Tenez, je ne veux pas me laisser aller à de justes récriminations envers votre insolvabilité. J’aime mieux vous donner quittance de tout votre honteux arriéré et vous ouvrir un nouveau crédit sur ma caisse ; si ce n’est pas là de la générosité je ne m’y connais plus, ce qui n’est pas possible.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16375, f. 249-250
Transcription de Chantal Brière
[Blewer]

a) « dussai-je ».
b) « n’est ».

Notes

[1A élucider : la lettre du 15 août 1851 ne mentionne pas l’intention d’une sortie. Celle du 16 août 1851 manque (ce que pourrait expliquer une promenade effectuée ce jour-là). Mais celle du 17 août 1851 n’en parle pas. On ignore la cause de l’interruption des lettres mentionnée ici (et constatable).

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne