Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1843 > Janvier > 6

6 janvier [1843], vendredi midi

Bonjour mon Toto bien-aimé. Bonjour mon petit homme chéri. Comment va le petit garçon, comment vas-tu aussi, toi mon adoré ? Le petit dérangement dont tu te plaignais n’aura pas eu de suite je l’espère ? J’espère encore que tu ne seras pas tombé sur le verglas de cette nuit et que tu seras rentré sain et sauf avec ton fameux col de chemise  ?
Il paraît, d’après tous les préparatifs que je vous vois faire depuis hier, que vous allez vous donner une bosse de toilette et de soirée un peu [illis.]. Moi, pendant ce temps-là, je tournerai mes pouces en vous attendant. Je sais bien qu’il faut que ce soit ainsi mais cela n’en est pas beaucoup plus consolant ni plus amusant pour ça. Enfin, mon pauvre ange, tâche de revenir le moins tard que tu pourras et prends toutes les précautions possibles pour ne pas t’enrhumer. Je te verrai, je l’espère, d’ici là car enfin tu n’iras pas à ta soirée depuis le matin jusqu’au soir contrairement à l’usage ? En revenant de ta répétition je te verrai, bien sûr, n’est-ce pas mon amour ? Pense à moi, mon Toto chéri, si seule et si triste quand tu n’es pas avec moi ! Cela te fera revenir plus tôt je l’espère.
Tâche de penser à m’apporter du papier si tu peux pour que je ne sois pas forcée d’en acheter. Nous avons bien d’autres manières de jeter notre argent par les fenêtres sans employer celle-là.
Baise-moi adoré, aime-moi et sois-moi bien fidèle mon Toto chéri. Prends garde d’avoir froid, mon pauvre petit homme, que je ne sois pas encore tourmentée de ce côté-là. Ne reste pas trop tard chez Bernard et ne sois pas trop gentil avec les faumes qui y seront. C’est ta pauvre Juju qui t’en prie et qui te baisera bien pour la peine.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 17-18
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette


6 janvier 1843, vendredi soir 5 h. ¼

Tu tardes bien, mon cher amour, est-ce que tu es encore à ta répétition ? Le temps me paraît mortellement long tous les jours, mais plus encore aujourd’hui. Il me semble qu’il y a huit jours que je ne t’ai vu. Il est vrai qu’il y a un peu plus que ça que [je] ne t’ai vu, ce qui s’appelle VU au grand complet depuis pater jusqu’à amen. Si c’est ainsi jusqu’à la Saint-Sylvestre prochaine il y aura peu d’agrément. C’est aujourd’hui les Rois, à ce que dit l’almanach ; quant à moi, à moins de les faire avec Cocotte, je ne sais pas avec qui ni avec quoi je pourrais tirer la fève. Ceci serait un incident médiocre si j’avais la certitude que ton enfant va tout à fait bien, que tes affaires au théâtre sont comme tu le désires, si j’étais sûre que tu m’aimes et si je pouvais compter sur une culotte [1] prochaine. Je ferais très bon marché de la fête des Rois et même je n’y penserais pas le moins du monde, puisque sans toutes ces compensations j’y pense fort peu et que je le regrette encore moins.
Je suis venue à bout d’utiliser mon petit anneau d’or, tu le verras à mon bras tout à l’heure. Je dis tout à l’heure avec une confiance digne d’un meilleur sort car Dieu sait quand tu viendras. Plus je t’attends, plus je te désire et plus je t’aime et moins tu viens. Voilà la règle. Cela ne vous empêchera pas de trouver le temps d’aller chez Bernard ce soir et moi voilà deux ans et demia que j’attends une vraie sortie ornée de tous les accessoires. Hélas !...

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 19-20
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « demie ».

Notes

[1Culotte : festin, bombance (fam.).

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne