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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 mai 1838

22 mai [1838], mardi après midi, 2 h. ½

Mon Toto, je t’aime, mon Toto, tu es bien i d’être venu déjeuner avec moi, mon Toto, tu seras bien bon si tu veux recommencer demain. J’ai fait attendre à Claire que la pluie fût un peu passée pour la renvoyer. Elle est partie depuis une demi-heurea. Je suis donc parfaitement seule, c’est-à-dire avec le monde entier puisque je pense à vous et que je vous aime. Il fait bien laid et bien froid, il paraît que c’est un parti pris pour tout l’été. Charmant pays, va ! Ah ! ça, vous allez faire faire vos clefs le plus tôt possible parce que ce n’est pas amusant de servir de portière à ma servarde. Êtes-vous bête d’avoir perdu vos clefs, allez. Pourvu que ceux qui les ont trouvées ne s’en servent pas pour venir m’égorger la nuit, vous n’avez pas l’air de vous soucier de cela. C’est cependant très possible et très probable. Au reste ça vous regarde : si vous me laissez tuer, vous n’aurez plus personne pour vous aimer de toute son âme comme je le faisais, c’est à vous de voir si vous voulez vivre sans être aimé.
Il y a bien longtemps mon petit homme que je ne vous ai embrassé. Est-ce que le temps ne vous paraît pas aussi long qu’à moi quand vous n’êtes pas avec moi ? Je vous désire comme si je ne vous avais pas vu depuis six mois et je vous aime comme si vous étiez là. Venez donc bien vite mon adoré. Je t’aime. Je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 180-181
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette

a) « demie heure ».


22 mai [1838], mardi soir, 6 h.

Je vous attends, mon bien-aimé, et vous ne venez pas. Il ne fait cependant pas un fameux temps pour se promener et si vous restez chez vous je ne vois pas pourquoi vous ne me donnez pas la préférence : autant moi qu’une aute. Je vous aime mon petit Toto savez-vous ça ? Je voudrais bien vous voir pour vous baiser de toutes mes forces. Je suis bien fâchée que ce hideux David n’ait pas eu l’esprit de faire un creux de votre admirable caboche [1]. J’en aurais eu un plâtre pour ma part, ce qui m’aurait assez convenu vu le sentiment que vous savez qui me pousse à vous multiplier autour de moi autant que vous l’êtes dans mon cœur. C’est donc bien bête à ce sculpteur figuriste de n’avoir pas songé à moi quand il le faisait. Ah ! Mon Dieu voilà le ciel qui se change en bouteille à l’encre. Je n’y vois plus… Affreux temps et stupide temps, que le diable t’emporte.
Jour mon petit o. Vous occupez-vous de vos clefs au moins, toute la journée j’ai été sur pied. Faites-moi mettre un cordon tout de suite, j’aime mieux cela, ça me sera plus commode. Pour peu que vous n’ayez pas de parapluie dans ce moment et que vous soyez sur la butte Montmartre vous serez gentil. Je t’aime. Je t’aime, ne te laisse pas mouiller et viens tout de suite.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 182-183
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Le 20 avril, le sculpteur David a envoyé à Hugo son buste sculpté.

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