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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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16 novembre [1846], lundi matin, 7 h. ¾

Bonjour cher adoré bien-aimé, bonjour, mon doux amour. Bonjour je t’aime. Après maintes hésitations j’ai décidé que je n’irais pas à Saint-Mandé [1] aujourd’hui dans la crainte de manquer l’heure à laquelle tu viendras. Cependant il faudra bien que j’y aille lundi prochain, quand je devrais pour cela y aller avant mon déjeuner. J’ai sur cette visite une idée de gratitude et de reconnaissance qui ne peut pas t’intéresser autant que moi, cela se comprend. Ainsi donc mon cher petit bien-aimé, ce n’est que différé et je compte bien pouvoir y aller lundi prochain. Aujourd’hui d’ailleurs j’étais un peu souffrante, pas assez pour m’empêcher de faire cette visite cependant. Je crains maintenant que, me croyant à Saint-Mandé, tu ne viennes très tard et que je ne perde le fruit de ma nouvelle résolution. J’ai si peu de chance que, loin d’être impossible, c’est plus que probable. Dans tous les cas, je fais de force de voiles et de rames [2] pour être prête à rester auprès de toi si tu viens de bonne heure. Eugénie doit venir aujourd’hui me rapporter les reconnaissances [renouveléesa ?] et probablement elle restera tout le reste de la soirée. Je suis toute triste et toute démoralisée depuis deux jours sans savoir pourquoi. Il me semble que je vais éprouver un grand malheur, comme si celui qui m’a déjà frappée n’était pas une dîme plus que suffisante envers la providence. Je ne sais pas ce que j’ai mais je ne suis pas dans mon état ordinaire, sans être précisément malade. Cher adoré, je te demande pardon de toutes ces jérémiades qui me choquent et m’ennuient moi-même. Je reconnais que tu es meilleur que jamais et je sens que je t’aime tous les jours davantage. Ce n’est donc pas le moment de me plaindre et de te tourmenter, aussi je m’en veux de le faire et je t’en demande pardon de toutes mes forces. Quand tu viendras toutes ces vapeurs seront dissipées et il ne me restera plus que la joie et le bonheur de te voir. En attendant, je te baise et je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 251-252
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « renouvellées ».

Notes

[1Claire, la fille de Juliette et de James Pradier, est morte de phtisie le 21 juin 1846 à Auteuil où elle est enterrée deux jours plus tard. Exhumé le 11 juillet, son corps est transporté, selon le testament de Claire, au cimetière de Saint-Mandé.

[2Expression de marine qui signifie « rassembler ses forces, aller le plus vite possible ».

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