5 mars 1880

Paris, 5 mars 1880, vendredi matin, 7 h. ¾

Je sors de chez toi, mon doux adoré, après avoir renouvelé^a l’air de ta chambre et refermé ta fenêtre. Tu dormais si bien que je n’ai pas osé t’embrasser dans la crainte de te réveiller. Si ma nuit s’emboîtait exactement avec la tienne, j’aurais la joie certaine en ce moment que tu l’as passée^b aussi bonne que moi. Malheureusement ce n’est pas comme je le désire que les choses se passent, aussi j’attends pour me réjouir que tu me dises toi-même si tu es content de ta nuit. J’ai déjà lu le compte-rendu officiel du Sénat et l’ordre du jour aujourd’hui qui est : séance publique à deux heures. Pas de réunion dans les bureaux, et toujours la même délibération sur l’enseignement supérieur. Rapporteur Jules Simon. Pour ceux qui aiment cette délibération à jets continus, quel bonheur [1] ! Quant à moi, j’en avale de loin ma langue et mes^b yeux. Tu me diras tantôt à quelle heure tu entends y aller, et à quelle heure tu voudras déjeuner. Je règlerai d’après toi mes clics et mes clacs de la journée. En attendant, je t’aime toutes voiles dehors, corps, cœur et âme.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16401, f. 66
Transcription de Blandine Bourdy et Claire Josselin

a) « renouvellé ».
b) « passé ».
c) « mes mes ».