Paris, 2 mars 1880, mardi matin, 8 h.
Cher bien-aimé, je t’accorde tous les pardons en échange du tien que j’ai trop cruellement mérité. Puissent-ilsa être les derniers dont nous ayons besoin toi et moi, et que mon cher livre rouge enregistre aujourd’hui même ce vœu ardent de mon cœur [1]. On dirait que le ciel se met en fête de son côté et qu’il nous encourage à la vie et à l’amour. Tu as une lettre de convocation du Sénat pour aujourd’hui : « réunion dans les bureaux à une heure, et séance publique à deux heures ». Je ne sais pas encore si ta famille dînera avec nous ce soir, mais, dans le cas contraire, nous serions réduits à un doux tête-à-tête. Lesclide, qui vient de passer sous mes fenêtres, et que j’ai hélé pour l’inviter avec sa belle-sœur ce soir, m’a dit qu’il ne pouvait pas venir. Entre nous, je crois qu’il a été contristé de n’avoir pas pu faire son entrée avec toi le soir du banquet de la presse à l’Hôtel Continental. Je comprends sa déconvenue, j’y compatis, et je l’excuse en attendant que sa bouderie se dissipe [2]. On a apporté le paquet recommandé par Marie Hugopour t’être remis en main propre par M. Vidal son ami. Ce monsieur impatienté de ne pas recevoir d’avis de toi, probablement, pour se présenter, a apporté tout à l’heure l’envoi mystérieux qui consiste en deux charmants cadeaux pour Georges et pour Jeanne avec une lettre pleine de douces effusions pour toi. Je vais aller te porter le tout et savoir de toi à quelle heure tu veux te lever, et t’embrasser à cœur que veux-tu et toute âme dehors.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16401, f. 62-63
Transcription de Blandine Bourdy et Claire Josselin
a) « Puisse-t-ils ».