18 juillet 1880

Paris, 18 juillet [1880], dimanche.

Je t’ai laissé bien endormi ce matin, mon cher grand bien-aimé, et j’espère te trouver allègrement éveillé et te portant comme le Pont-Neuf. Le temps est chaud, comme il convient qu’il soit en cette saison, mais toujours orageux et prêt à se fâcher à tout propos sans qu’on sache pourquoi. C’est aujourd’hui qu’expirent les pouvoirs pluvieux du vieux saint Médard [1]. Dieu veuille qu’il n’en ait^a pas mis quelques tonneaux en réserve derrière les fagots célestes pour nous les faire couler sur nos infortunées caboches tout le reste de l’été. Autre guitare, Donnat accepte avec joie et reconnaissance ton invitation pour mardi. Je te supplie de ne pas faire d’invitation jusqu’après^b ta fête parce que nous ne saurions comment les faire tenir autour de la table. D’ailleurs, hélas ! D’ici à peu de jours l’absence de tes chers enfants va faire un bien grand vide qu’il te sera loisible de combler, si c’est possible, comme tu l’entendras. En attendant il faut savoir se modérer. Je ne me permets l’immodération que dans mon amour pour toi et je serais bien heureuse que tu suives mon exemple.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16401, f. 192
Transcription d’Emma Antraygues et Claire Josselin

a) « n’en n’ait ».
b) « jusque après ».