6 janvier 1880

Paris, 6 janvier 1880, mardi soir, 6 h.

Cher bien-aimé, je t’écris ce soir ce que je t’aurais écrit ce matin, ce que je t’écrirais à toutes les heures de la journée si j’en avais le temps et si de ton côté, tu avais celui de lire toutes les tendresses qui me passent par le cœur. J’avais déjà commencé mon gribouillis par le mot sacramentel de mon âme quand Madame Alice et toi êtes venus interrompre mon inspiration en me forçant à descendre dare-dare^a pour dévorer le déjeuner déjà très en retard. Heureusement que ce n’était que bonheur remis et que je le retrouve tout entier en ce moment. J’espère que la soirée sera moins lugubre que la journée et que nous boirons au roi et à la reine de la fève avec entrain et joie. En attendant j’ai reçu la carte de Bienvenu [1] avec un sac de bonbons. Je pense qu’il faut l’inviter le plus tôt possible avec sa femme car il y a bien longtemps que nous les avons vus. Nous en conviendrons ce soir-même si tu veux. Ainsi que de nous aimer tous les deux à cœur que veux-tu.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16401, f. 9
Transcription de Blandine Bourdy et Claire Josselin

a) « dar dar ».