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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 décembre [1847], mercredi matin, 9 h.

Bonjour mon Toto, bonjour toi que j’aime, bonjour vous que j’adore. Bonjour depuis la tête jusqu’aux pieds, depuis la bouche jusqu’à l’âme, bonjour, santé, joie et bonheur à toi et à tous les tiens. Je ne sais pas encore si je pourrai sortir, toujours à cause de mes douleurs. Cependant j’ai moins mal à la tête ce matin mais je n’ose pas m’y fier car voilà plusieurs jours qu’il augmente vers le soir [1]. Je crois pourtant que le fameux topique [2] d’hier aura fait son effet, je l’espère et je le veux. Il serait trop injuste que ce qui fait tant de bien au cœur n’en fasse pas au corps, ce serait ILLOGIQUE, par conséquent cela ne se peut pas.
Cher adoré bien-aimé, c’est une bien pieuse et bien charmante pensée que tu as euea de demander à Dieu de nous emporter ensemble dans le même moment. Je n’aurais pas osé le lui demander moi parce que je ne me reconnais pas le droit d’associer ma vie si insignifiante avec la tienne si nécessaire à tout le monde, mais je te remercie du fond de l’âme d’avoir eu la générosité de le faire de toi-même. Tout ce que la reconnaissance la plus tendre peut ajouter à l’amour le plus ardent, je le fais depuis hier et je supplie le bon Dieu d’avoir égard à ton désir et de me laisser vivre autant que toi, c’est-à-dire bien longtemps.
Je voudrais être à ce soir et n’avoir pas mal à la tête pour rester auprès de toi. J’ai honte de me coucher comme je le fais et cependant il m’est impossible de faire autrement quand j’ai ces douleurs de tête si vives. C’est le cercle vicieux dont tu parlais et qu’il n’est pas en mon pouvoir de rompre. J’espère que tu auras été plus habile que moi et que tu y auras fait une large brèche hier.

Juliette

Leeds, BC MS 19c Drouet/1847/74
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen

a) « eu ».


15 décembre [1847], mercredi midi

Ne vous fâchez pas, mon petit homme, mais je ne sortirai pas encore aujourd’hui. Je sens que je suis en train de me guérir les flancs et je ne veux pas retarder ma guérison en marchant. Demain il sera assez temps de sortir et rien au monde ne saurait m’en empêcher. Pour aujourd’hui je me repose.
Je regrette bien, mon Toto, que tu n’aies pas pu me lire quelque chose hier car je me serais mise à copier aujourd’hui, ce qui m’aurait fait grand plaisir et grand bien. Je sens bien d’un autre côté que tu es trop occupé pour me donner ce bonheur, ce qui n’empêche pas mes regrets, au contraire. Si je ne craignais pas de me priver du bonheur de t’entendre lire toutes ces admirables choses, je t’aurais prié de me laisser copier et déchiffrer le manuscrit en même temps [3]. Mais, je te le répète, ce moyen ne me satisfait qu’à demi, c’est pour cela que je n’insiste pas davantage auprès de toi pour que tu y consentes. J’aime encore mieux attendre à tout prendre, espérant que tu auras prochainement un temps de repos qui te permettra de me donner de la copie. Pauvre doux bien-aimé, pauvre travailleur infatigablea, mon sublime ouvrier, je baise tes pieds en signe de dévotion et d’amour. Plus je t’aime et plus je t’aime, plus je t’admire et plus je te trouve grand et plus je t’adore. Je voudrais être poète pour te dire dignement tout ce que j’ai d’amour dans le cœur, malheureusement ce souhait ne sera jamais accompli et je me résigne à te dire tout bonnement que tu es le charme de mes yeux, la joie de mon cœur et le bonheur de mon âme.

Juliette

Leeds, BC MS 19c Drouet/1847/75
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen

a) « infatiguable ».

Notes

[1Juliette présente depuis plusieurs jours des symptômes grippaux.

[2Médicament qui agit uniquement à l’endroit où il est appliqué, sur la peau ou sur une muqueuse.

[3Voir la lettre de la veille : Juliette a demandé à Hugo de lui lire Jean Tréjean (premier état des Misérables) pour l’aider à guérir plus vite.

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