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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 août [1847], dimanche matin, 7 h. ¼

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, mon adoré bien-aimé, bonjour, je t’aime. Je pense déjà au moment où je te verrai et je voudrais que ce fût tout de suite car c’est aujourd’hui dimanche et je ne te verrai pas ce soir, ce qui demande un fameux rabibochage dans la journée. Si tu peux venir de bonne heure, tu me rendras bien heureuse. Et tu sais ce que veuta dire ce mot : heureuse, dans ma bouche ? Cela veut dire que mes yeux, mes lèvres, mon cœur, mon âme s’abreuvent de toi et que tout mon être s’épanouira de joie sous ton doux regard. En attendant, il me faut prendre patience, ce qui ne m’est pas facile quoique j’y mette tout mon savoir-faire et toute ma bonne volonté. Aussi j’ai plus tôt fait d’y renoncer et de laisser aller ma pauvre nature comme elle l’entend. Tantôt en BISQUANT, tantôt en RAGEANT et toujours en t’aimant, j’arrive tant bien que mal au moment désiré où je te vois. Cela ne fait de mal à personne, c’est tout ce qu’il faut.
Voilà une triste affaire qui rejette bien loin notre projet de Saint-Germain [1]. Cependant, je n’y renonce pas encore tout à fait, tant l’espoir est tenace au fond de mon cœur dès qu’il s’agit du bonheur d’être avec toi. Malheureusement cela ne suffit pas pour faire arriver le bonheur qu’on désire. J’en sais quelque chose et je sais aussi que je t’aime de toute mon âme.

Juliette

Leeds, BC MS 19c Drouet/1847/50
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen

a) « veux ».


22 août [1847], dimanche après-midi, 2 h.

Je suis bien souffrante aujourd’hui, mon Toto, et je ne sais pas comment je ferai pour arriver à la fin de la journée sans me coucher. Je crois cependant que si tu étais là cela se dissiperait et que je ne sentirais plus que le bonheur de te voir. Tu devrais venir tout de suite, ne fût-cea que pour VOIR l’effet que cela me ferait.
J’attends ce monsieur de Brest [2]. J’attends aussi les petites Rivière qui ne manqueront certainement pas de venir te remercier. Enfin j’attends tantôt Eugénie avec son fils. Mais dans toutes ces attentes, il y en a une qui absorbe toutes les autres et qui s’en FICHERAIT pas mal si elle avait ce qu’elle désire. Ne faites pas la sourde oreille, mon Toto, et tâchez de comprendre que je vous veux, que je vous aime et que je vous adore. Fouyou continue ses élégies auxquellesb je ne suis pas sensible, je vous en préviens. Je suis trop vénale et trop rapacec pour donner gratis ce que je peux vendre. Ainsi ne comptez pas sur ma pitié pour lui et tâchez de trouver dans votre bourse et dans votre cœur de quoi lui acheter huit nuits de bonheur. Vous savez que si je ne donne rien, je tiens fidèlement et loyalement mes marchés, même quand j’y perds. Vous êtes averti. Baisez-moi et venez bien vite.

Juliette

Leeds, BC MS 19c Drouet/1847/51
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen

a) « fusse ».
b) « auquelles ».
c) « rapacce ».

Notes

[1Hugo a promis à Juliette une excursion à Saint-Germain.

[2La sœur et le beau-frère de Juliette, les Koch, vivent à Saint-Renan près de Brest. Concernant cet homme de Brest, voir la lettre du 24 août.

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