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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 octobre [1849], lundi matin, 8 h ½

Bonjour, mon tout bien-aimé, bonjour, mon Victor adoré, bonjour. Comment as-tu passé la nuit ? J’ai vu Vilain hier après sa visite chez toi, il m’a dit que tu paraissais assez bien, mais cela ne m’a pas beaucoup tranquillisée parce que je te sais trop courageux pour te plaindre ouvertement quand tu es fatigué et que tu souffres. Cependant j’espère que tu te seras couché de bonne heure, que tu te lèveras très tard et que tu ne te ressentiras plus de ton mal de gorge quand je te verrai tantôt. En attendant

2e feuille, lundi matin, 8 h ½

je souffre pour toi et pour moi. On dirait que j’ai avalé mon balai de crin tant cela me gratte et me pique dans la gorge, plus un mal de tête sterling. Cela ne m’a pas empêchée de veiller jusqu’après minuit pour lire L’Événement d’aujourd’hui que Vilain avait acheté pour lui et que je lui ai pris délicatement pour moi. Je regrette de ne pouvoir pas faire moi-même mon compliment à Toto*… Second sur sa politique, qui est aussi la mienne. Plus il tapera dur sur ces ânes bâtés de l’Assemblée, plus ma peau de Juju en tressailliraa d’aise. ALLONS DONC, c’est mon opinion. Taisez-vous, dormez, guérissez-vous et aimez-moi ou la mort.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 277-278
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « tressaillera ».


22 octobre [1849], lundi matin, 11 h.

Il me semble qu’il y a bien plus de dix-huit heures que je ne t’ai vu, mon pauvre adoré, tant le temps me paraît long et tant ton absence me pèse et m’agace. Quand je pense qu’il faut que j’attende encore trois ou quatre heures avant de te voir j’en suis toute consternée et toute découragée. Mon Dieu, quand donc reviendras-tu habiter ma petite chambre et travailler auprès de moi ? Probablement plus jamais car la politique qui t’envahit chaque jour davantage te déshabitue de moi et bientôt je te serai presque inconnue.

2e feuille, lundi matin, 11 h.

J’espère pourtant que le bon Dieu me fera mourir avant, c’est la grâce que je lui demande tous les jours à genoux. Mourir aiméea de toi c’est mieux que vivre oubliéeb de toi. D’ailleurs je ne le supporterais pas. Mon Victor adoré, je ne voulais pas te dire toutes ces choses tristes et inutiles et je m’y laisse entraîner par la préoccupation constante de ma pensée qui te cherche, te désire et te regrette. Je voulais te dire seulement que je t’aime de toutes mes forces et que je serai bien heureuse quand je te verrai. En attendant je prends mon courage et ma patience à deux mains pour tâcher de les retenir jusqu’au moment où tu viendras, et puis je te baise depuis un bout jusqu’à l’autre.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 279-280
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « aimé ».
b) « oublié ».


22 octobre [1849], lundi soir, 8 h.

Ô je te remercie, mon doux bien aimé, de te préoccuper de moi du milieu de tes occupations, je te remercie de la peine que tu prends de m’apporter cette suprême minute de bonheur qui se transforme tout de suite de la longue heure de regrets, de désir et d’impatience. Merci, mon adoré bien aimé, sois béni pour cette ineffable bonté qui va si bien à ton sublime génie. Je ne veux pas me coucher sans t’exprimer toute la reconnaissance dont je suis pénétrée, sans t’envoyer toute mon âme dans un rayon d’amour.

2e feuille, 22 octobre [1849], lundi soir, 8 h.

Tu m’as promis de faire tous les efforts pour revenir ce soir, mon bien aimé, je garde cette aimable promesse avec toute la confiance qu’elle m’inspire mais je te sais si occupé que je n’ose pas l’espérer. Ce sera donc une douce et charmante surprise pour moi si par impossible tu pouvais revenir me voir ce soir. En attendant, je vais te désirer de toutes mes forces et mettre tout mon magnétisme en vigueur pour t’amener chez moi malgré tous les obstacles de tous genres mon Victor adoré, je serai bien heureuse si je te revois ce soir. D’ici là, je te baise, je t’attends et je t’aime.

Juliette

MVHP, Ms, a8292 et a8293
Transcription de Michèle Bertaux et Joëlle Roubine

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