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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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30 décembre [1845], mardi, 10 h. ¾

Bonjour, mon Victor bien aimé, bonjour, mon ineffable, mon doux, mon ravissant petit Toto, bonjour, je t’aime. Je n’ai plus de tristesse, je te souris, je crois que tu m’aimes, je ne souffre plus, je suis heureuse. Quand je te tourmente et que je suis injuste et amère envers toi, c’est quand mon cœur déborde de tendresse aigrie et tournée par l’absence, alors je ne peux plus me retenir et je m’épanche sans pitié pour toi si fatigué et si occupé par ton travail et par tes affaires. Je t’en demande pardon, mon Victor, et je voudrais au prix de tout mon sang ne plus retomber dans la même faute pour t’épargner l’ennui et l’impatience d’une explication toujours trop longue pour toi. Je t’assure que j’y fais bien tout mon possible, mais je n’y réussis pas toujours comme tu vois. J’espère que l’année 1846 me trouvera plus raisonnable. En attendant, je fais tous mes préparatifs pour cela.
Cher petit homme bien aimé, j’ai trop à faire dans ma maison ces jours-ci pour pouvoir profiter de la permission que tu m’as donnée. Ce sera pour plus tard. Mais si tu veux me mener ce soir aux panoramas chez ton graveur, j’irai avec empressement et avec joie parce que je serai avec toi. Si tu ne peux pas, je ne grognerai pas. Je serai fort aimable et fort gracieuse tout de même et je ne t’en donnerai pas un baiser de moins, au contraire.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 317-318
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette


30 décembre [1845], mardi soir, 5 h. ¼

Je ne suis pas triste, mon cher petit homme, je t’aime et je me crois aimée de toi, c’est tout ce qu’il me faut. Je suis contente, je suis heureuse, je suis geaie. J’ai reçu tantôt la fameuse bourriche de Brest [1] qui contient 2 homards et des bigornes. Je regrette moins que jamais de leur avoir écrit de ne plus m’envoyer de ces sortes de comestibles parce que c’est très pesant, que cela coûte fort cher, le droit d’entrée compris, que cela nous régale médiocrement, moi surtout qui suis seule parce qu’on me les envoiea toujours trois ou quatre jours trop tôt. Enfin ce sera la dernière fois, Dieu merci. Il faudra que tu te charges du tien ce soir, à moins que tu n’aimesb mieux qu’Eulalie te le porte demain avec des bigornes. Tu choisiras ce qui te conviendrac le mieux.
Croiras-tu, mon Victor adoré, que je n’ai pas encore pu me peigner à fond aujourd’hui ? Cependant je ne me suis pas amusée, mais les jours sont très courts et les fourbissages de ma maison très nombreux et très longs, ce qui fait que je n’arrive jamais à ce que je veux. Suzanne vient d’aller chercher à Saint-Mandé les fleurs que Claire a faites pour toi. J’espère qu’elle les aura réussiesd et qu’elle y aura mis tous ses soins et tout son talent. Moi je ne sais que t’aimer et je ne te redonnerai que mon cœur pour tes étrennes. Il est vrai qu’il faudrait pour cela commencer par te le reprendre, ce qui n’en vaut pas la peine. Je ne te donnerai rien que des millions de baisers parce que je t’ai tout donné depuis longtemps.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 319-320
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « on me les envoi ».
b) « tu n’aime ».
c) « te conviendras ».
d) « réussi ».

Notes

[1Renée et Louis Koch envoient parfois de Brest des denrées alimentaires à Juliette Drouet.

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