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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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24 décembre [1845], mercredi matin, 10 h. ¼

Bonjour, mon Toto, bonjour, mon adoré petit Toto, bonjour, toi, comment allez-vous ? Avez-vous rêvé annuaire, éclipse de lune et autres fariboles du même genre ? Quant à moi, j’ai rêvé de votre jolie petite clef que j’avais retrouvée cassée, il est vrai, mais c’était le bon bout qui restait. J’étais si contente que je m’en suis éveillée. Hélas ! je n’avais retrouvé pas plus la clef de votre chambre que celle de votre cœur qui m’est fermé depuis trop longtemps. Encore si j’avais la ressource de pouvoir y entrer avec effraction, je ne m’en ferais aucun scrupule. J’aimerais mieux cela que de rester à la porte bêtement à attendre que vous vouliez bien m’ouvrir.
Bonjour, vilain paresseux, bonjour, je suis sûre que vous n’avez travaillé que les trois-quarts de la nuit ? Comme si on ne pouvait pas travailler la nuit entière. En vérité, Môsieur Toto, vous vous relâchez joliment. Je crains que vous ne finissiez par croupir dans l’oisiveté et dans la mollesse. Il ne vous manquerait plus que cela pour vous complétera. Taisez-vous, pâresseux, je vous adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 293-294
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « completter ».


24 décembre [1845], mercredi après-midi, 4 h.

Vous êtes témoin que vous me taquinez outre mesure et que je suis dans mon droit de vous le rendre. Aussi, à partir d’aujourd’hui, je vous mets à l’amende de dix francs qui seront appliqués au besoin de l’État et qui entreront dans la caisse des fonds les plus secrets. Je regrette infiniment d’en venir à ces extrémités, mais vous m’y forcez, tant pis pour vous. Encore si cela m’ôtait mon mal de tête, ce ne serait que plaisir et jubilation. Mais je souffre trop pour bien sentir toute la joie d’une bonne et légitime représaille. Il ne faudrait rien moins que la culotte magique pour me guérir tout de suite. Hélas ! nous ne sommes pas en fonds....a de culottes. Notre pauvre amour en est réduit à sa plus simple et sa plus pauvre expression depuis trop longtemps. Aussi ferait-il pitié à un chien à le voir si nu et si abandonné par le temps qu’il fait. Quant à moi, je le réchauffe de mon mieux. Je le fourre dans les endroits les plus chauds de mon cœur, de mon corps et de mon âme, mais rien ne peut suppléerb à la culotte. Sans la culotte, pas de salut. Une culotte donc, mon Toto, le plus vite possible ou la mort. Je donne mes dix francs s’il le faut, même mon grand couteau, même ma guipure, même Coromandel [1] et moi par-dessus, mais une culotte vite, vite, vite.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 295-296
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) Quatre points de suspension.
b) « supléer ».

Notes

[1Les meubles en laque de Coromandel sont des meubles particulièrement appréciés par Victor Hugo et Juliette Drouet. Dans Les Misérables, M. Gillenormand possède d’ailleurs un de ces meubles asiatiques : « Il enveloppait son lit d’un vaste paravent à neuf feuilles en laque de Coromandel » (Troisième partie, livre deuxième, chapitre 2 « Tel maître, tel logis »).

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