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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 décembre [1845], mercredi matin, 10 h.a

Bonjour, mon Toto ravissant, bonjour, mon Toto bien-aimé, bonjour, comment que ça va ce matin ? Je vous aime moi, quoique vous m’ayez fait bien enrager cette nuit. Décidément, il faudra que je fasse jouer mon Eustache [1]. Vous ne serez content que lorsque vous aurez fait connaissance intime avec ce tranchant personnage.
Cher petit homme adoré, pour qui me faites-vous tant de chagrin toutes les nuits ? Est-ce parce que je vous aime plus que la vie ? Si cela était, cela ne serait pas très généreux et je ne reconnaîtrais pas là votre bonté habituelle. Quoi qu’il en soit, il n’y a presque pas de nuit où je ne fasse d’abominables rêves dont vous êtes toujours le sujet. Souvent même, ces rêves me poursuivent dans la journée et me rendent très malheureuse par souvenir. Cependant tu m’aimes, n’est-ce pas, mon adoré ? Tu n’aimes que moi et tu m’es bien fidèle, n’est-ce pas ? Je tâche de me rassurer en me rappelant toutes les preuves d’amour que tu m’as données autrefois, mais hélas, le souvenir du passé ne rend que très terne et plus significativeb la froideur du présent. Enfin, quelque chose que je fasse pour me rassurer, il se trouve que je ne parviens qu’à me tourmenter davantage. J’aime donc mieux m’en rapporter à toi et croire aveuglément que tu m’aimes parce que je t’adore et que tu sais bien que ma vie tient à ton amour.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 265-266
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) Les quatre pages de la lettre sont numérotées de 1 à 4, le sens de lecture de la lettre étant inhabituel.
b) « significatif ».


17 décembre [1845], mercredi soir, 7 h.

Merci, aimé, merci, adoré, merci, amour, merci, amant, merci, toi, merci, vous, tu m’as donné ce soir encore plus de bonheur que de crotte, ce qui est plus qu’immense. Je croyais ne pouvoir pas ôter mes brodequins tant ils étaient mouillés et boueux. Ma culotte, qui n’est pas la sublime culotte, est tellement margouillée qu’on ne sait plus ce que c’est. Mais je m’en fiiiiiiiiiiiiiiiiiiichea puisque j’ai eu le bonheur de barboterb avec toi. Dorénavant, et quelque temps qu’il fasse, j’irai où tu voudras m’emmener. Tu verras si je refuse une seule fois. En attendant, j’ai pris au vol l’occasion qui s’est offerte ce soir. Un barbet ou un canard n’aurait pas mieux fait. Je suis très contente de vous [et  ?] de moi. Nous avons été dignesc de notre jeune temps ce soir. Hélas ! il ne tient pas à moi de l’être toujours. Taisez-vous, cher petit homme, vous savez bien que j’ai raison. Sur ce, baisez-moi, vous le pouvez sans crainte. L’animal étant muselé, c’est l’instant de vous montrer. Ne vous cachez pas, je vous en prie, il n’y a aucun danger. Baisez-moi avec audace, vous le pouvez. Jour, Toto, jour, mon Toto chéri, je me permets de vous blaguer légèrement parce que je suis heureuse et que je vous adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 267-268
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « fiche » est écrit d’un bout à l’autre de la ligne avec dix-neuf « i ».
b) « barbotter ».
c) « digne ».

Notes

[1Juliette menace souvent Victor de le tuer, avec humour. Elle fait ici référence à un couteau très populaire, existant déjà sous Louis XIV, perfectionné par Eustache Dubois, et que l’on voit apparaître sous ce nom dès 1782.

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