Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1845 > Décembre > 7

7 décembre [1845], dimanche matin

Bonjour, mon Toto chéri, bonjour, mon bon bien-aimé, bonjour, mon pauvre ange de douceur, je te baise les pieds en signe de respect et d’adoration, car tu es vraiment un pauvre ange de bonté. J’ai été maussade et méchante hier, ce qui m’arrive trop souvent. Si on pouvait avoir des prétextes pour être méchante, je n’en manquerais pas, mais je reconnais qu’il vauta mieux être bonne dans tous les cas. Heureusement que tu es là pour compenser par ton indulgence et par ta douceur ce qu’il y a de sévère et d’irritable dans mon caractère. À force d’exemple, je finirai par devenir meilleure.
Comment vas-tu mon petit Toto chéri ? Es-tu moins préoccupéb et moins fâché qu’hier ? J’espère que ton Charlot t’aura déjà fait oublier le petit mouvement de mécontentement que tu as eu contre lui hier et que ta ravissante petite figure a repris ce matin son expression de douceur et de gaieté accoutumée. Ma fille est allée à la messe et dans ce moment-ci elle met sur le métier les fameuses armoiries. Nous verrons si elle réussira à faire quelque chose de bien. En attendant, elle a perdu sa bourse et l’argent qu’elle avait, toujours la conséquence de son étourderie. Tant pis pour elle au reste, cela lui apprendra à avoir plus de soin.
Baise-moi mon Victor, et sois sûr que je t’aime plus que ma vie.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 225-226
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « il vaux ».
b) « préocupé ».


7 décembre [1845], dimanche soir, 10 h. ½

Il faut convenir que j’ai bien du malheur, mon Toto, soit en paroles, soit en actions. Tout ce que je dis est blessant ou absurde à mon insua, tout ce qui m’arrive est incroyable et stupide. Enfin je suis ensorcelée et ma maison aussi. Toi tu restes un pauvre ange au milieu de tout ça, mais je crains qu’à la fin cela ne t’ennuie et ne te fasse prendre ma maison et moi en horreurb. Cependant je t’aime plus que jamais et je n’ai jamais eu plus besoin de ton amour qu’à présent. Cher adoré bien-aimé, il faut ne pas faire attention à toutes mes impatiences et à tous mes déraisonnements et rire toujours, comme tu l’as fait jusqu’à présent, de mon guignon guignonnant. Mes péronnelles sont parties, Claire lit, moi je grince des pieds et des dents tant je souffre. Et je t’aime par-dessus tout et de plus en plus fort, ce qui ne m’empêche pas de souhaiter la peste, le choléra morbus et le farcin le plus morveux [1] à ce hideux goitreux de lampiste. Il est probable que ce hideux gredin a reçu plusieurs millions de la sainte alliance pour attenter à nos jours avec sa machine infernale. Quant à moi, j’en suis convaincue, mais je ne me résigne pas à mon sort de victime. Je proteste, au contraire, de toutes mes forces et je t’embrasse de même.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 227-228
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « à mon insçu ».
b) « et en horreur ».

Notes

[1« Affection virulente et contagieuse, transmise à l’homme par le cheval, soit par infection, soit par inoculation » (Larousse).

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne