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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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25 octobre [1845], samedi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon bien-aimé, bonjour, mon Victor, bonjour, comment que ça va ce matin ? Moi je vais très bien et je vous aime encore mieux. Si je ne craignais pas de vous refroidir jusque dans le fond de l’âme, je mettrais mon nez sous votre cravatea pour le réchauffer. Depuis ce matin que je suis levée, avant sept heures, j’ai eu le temps de le geler avec toutes mes fenêtres ouvertes. Aussi je vais les refermer tout à l’heure pour toute la journée.
Cher petit bien-aimé, mon Toto, mon amour, vous êtes très bombé et je vous adore. Il faudra m’apporter une vieille ceinture pour que je fasse la tienne dessus. Quant à Eulalie, elle ne viendra pas la semaine prochaine du tout. J’espère que tu n’en auras pas besoin plus tôt. Mais dans tous les cas, elle est forcée de faire la semaine qui vient chez une autre personne. Si tu avais pu te séparer de ton paletot ce matin et si tu avais le bon esprit de me l’apporter, je t’y aurais fait mettre des parements de veloursb. Mais tu ne viendras que tard et Eulalie sera partie chercher ma fille et la conduire chez son père. Tant pire pour vous, ce sera pour plus tard. Vous serez un peu moins COSSUc, voilà tout. Mon petit bien-aimé, mon Toto, je voudrais vous donner tout mon veloursb et bien autre chose encore. Je vous donnerais même mon nez, mon fameux nez, avec lequel vous pourriez renouvelerd le vôtre chaque fois qu’il vous plairait. Si vous voulez, je vous le donne. Je suis généreuse, moi. Baisez-moi pour la peine et aimez-moi, je le veux.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 79-80
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « votre cravatte ».
b) « velour ».
c) « cossue ».
d) « renouveller ».


25 octobre [1845], samedi soir, 5 h.

Tu es bien gentil d’être venu me voir une minute ce matin, mon adoré, mais ce n’est pas assez. Tu aurais dû revenir dans la journée et rester plus longtemps. Comment veux-tu que je vive si tu me fais les parts de bonheur si petites ? Avec cela que tu sais très bien que j’ai bon appétit. Si j’avais eu plus de temps, je vous aurais fichu des coups pour vous apprendre à laisser traîner vos gribouillis sur ma table. Je n’exige pas que vous les lisiez, à Dieu ne plaise, mais je ne veux pas que vous me les laissiez en tas sur ma table, je ne le veux pas. Ce soir, si vous les oubliez encore, je les jetteraia au feu. Cela me réchauffera.
Cher petit Toto chéri, je ne veux pas te taquiner plus longtemps. Oublie-les tant que tu voudras, ne les regarde jamais si tu veux, tu en as le droit. Mais j’ai celui de t’en faire tous les jours parce que c’est mon plaisir et que je serais très attrapéeb si on m’en empêchait. Cher bien-aimé, tous les baisers que je ne peux pas te donner en nature, je les mets sur le papier. Toutes les tendresses et toutes les adorations que je n’ose pas te montrer quand tu es là, je les confie à mon papier qui se laisse faire sans rougir. Enfin le trop-plein de mon cœur s’épanche par là. Tu vois donc bien que je serais bien empêchée et bien malheureuse si on me privait de mes deux gribouillis quotidiens ?

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 81-82
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « je les jeterai ».
b) « attrappée ».

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