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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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19 septembre [1845], vendredi matin, 8 h. ¾

Bonjour, mon Toto chéri, bonjour, mon amour bien aimé, bonjour, toi, comment que ça va ? C’est tantôt que vous revenez [1] pour sûr, n’est-ce pas mon cher petit homme ? Dans cette conviction, je vous fais votre eau pour les yeux. Ce soir je vous ferai votre houblon. Vous serez bien gentil de venir de bonne heure tantôt pour que nous puissions profiter du beau temps. Tant que tu ne seras pas venu, je serai prisonnière et cette pauvre Claire aussi. Et puis je suis très pressée de vous voir. Dépêchez-vous, dépêchez-vous, dépêchez-vous : « – Mais mon Dieu, je m’ÉPÊCHE, lentement, très lentement, excessivement lentement, c’est la meilleure manière pour arriver tard. – » [2]. Vilain Toto, si j’étais derrière le VÔTRE, je vous forcerais bien à venir toute de suite. Avec ça, que c’était bien utile d’aller manger du veau avec votre marquis en carton, car vous savez que ce n’est pas un vrai marquis. C’est un usurpier, un intrigant qui doit être né en plein Mexique, s’il n’est pas né ailleurs. Aussi je suis furieuse d’être délaissée pour un marquis en chrysocal local comme celui-là. Taisez-vous, vilain BÉOTIEN, vous n’êtes pas digne de m’appartenir, taisez-vous.
Le temps paraît être remis au beau, mon petit homme chéri, pourvu qu’il se maintienne toute la semaine prochaine. Tu sais que je ne perds pas de vue et de pensée un seul instant les deux ravissantes culottes que tu m’as promises. J’y compte plus que jamais et je t’aime de même à preuve que je voudrais déjà y être et te baiser sur toutes les coutures.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16360, f. 298-299
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette


19 septembre [1845], vendredi soir, 8 h. ¼

Je ne te verrai pas ce soir, mon bien-aimé, et peut-être même pas demain. Cette idée m’attriste et me donne envie de pleurer. Je me retiens à cause de ma fille, mais si j’étais seule, je crois que je ne pourrais pas m’en empêcher. Je suis passée sous les arcades de la place Royale [3] en revenant de Saint-Mandé ce soir pour voir tes fenêtres. Si j’avais été seule, je crois que je serais allée à Saint-James [4] uniquement pour me rapprocher de toi. La pensée que je vis loin de toi m’étouffe. Je te l’ai déjà dit et je te le répète parce que c’est de plus en plus vrai. J’ai beau aller et venir, tout cela ne me distrait pas du besoin que j’ai de te voir. Aujourd’hui je suis allée à Saint-Mandé avec ma fille et Suzanne parce qu’il y avait un paquet à en rapporter. J’ai vu Mme Marre qui m’a dit que cette pauvre Charlotte était rentrée tout en larmes mercredi et qu’elle avait été inconsolable tout le reste de la journée de nous avoir manquées. Pour la rabibocher un peu, je l’ai promenée dans le bois jusqu’au château de Vincennes. Je l’ai ramenée à la pension à cinq heures trois-quarts après l’avoir comblée de pain d’épice et de gâteaux, et puis nous sommes rentrées à la maison. Depuis nous avons dînéa, j’ai mis ta tisaneb sur le feu. Quand elle sera faite, j’irai me coucher. Tu vois, mon Victor adoré, que je ne suis pas une seconde sans penser à toi. Mais ce que tu ne peux pas voir, c’est combien et comment je t’aime. Si tu le voyais, tu ne pourrais pas te séparer de moi jamais. Mon Victor, mon Toto, mon bien-aimé, pense à moi aussi de ton côté et aime-moi, tu ne seras que juste, car tu es ma vie.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16360, f. 300-301
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « nous avons dîner ».
b) « ta tisanne ».

Notes

[1Victor Hugo est parti le jeudi 18 septembre, vraisemblablement pour rendre visite à un marquis dont l’identité reste à élucider. Il rentre à Paris le 19 dans la nuit ou le 20 septembre.

[2S’agit-il d’une citation ? À élucider.

[3Victor Hugo habite alors au 6, place Royale, actuelle place des Vosges.

[4La famille de Victor Hugo passe des vacances à Saint-James.

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