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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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14 juillet [1842], jeudi matin, 9 h. ¼

Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour mon adoré, comment vas-tu, comment va le petit garçon ce matin ? Il est probable, mon cher bien-aimé, que tu auras quelque chose à faire à cause de cet affreux événement d’hier [1]. Pour moi ces malheurs publics me frappent doublement en ce que cela me fait faire un retour sur ceux auxquels tu peux être exposé et auxquels je ne survivrais pas si jamais cela arrivait. Je te le dis comme cela et mon doux adoré je ne pourrais pas vivre sans toi. Aussi, dès que tu as tourné le coin de ma rue, dès que je t’ai perdu de vue, je me sens prise d’une inquiétude et d’une tristesse dont je ne suis pas maîtresse. Mon adoré, mon noble et généreux homme, je t’en prie à genoux, ne dédaigne pas toutes les précautions qui peuvent éloigner de toi tous les malheurs qui sont en ton pouvoir. Pour ceux qui dépendent uniquement du bon Dieu, je le prie jour et nuit de les éloigner de toi et je lui offre ma vie, si peu qu’elle soit, pour ta santé, ton bonheur et la santé et le bonheur de tous les tiens. Sois prudent, mon cher bien-aimé, garde bien ta précieuse vie si nécessaire au monde entier et qui est ma vie et mon souffle à moi. Si tu peux trouver un moment pour venir me dire comment toi et ton cher petit garçon avez passé la nuit, cela me tranquillisera. Si tu ne le peux pas, mon adoré, je tâcherai de penser que vous allez tous bien. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 243-244
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette
[Souchon, Massin]


14 juillet [1842], jeudi après-midi, 2 h. ¼

Je te cherche de la pensée et de l’âme, mon cher adoré, je voudrais toujours savoir où tu es et ce que tu fais. Je voudrais baiser tes pas. Quand te verrai-je, mon amour ? Je crains que tu n’aies bien à faire aujourd’hui en ta qualité de président. Et à ce triste sujet, je ne peux m’empêcher de te faire remarquer l’influence des dates : c’était hier le 13 ! Autre atroce coïncidence : l’avant-veille de la Saint HENRI. Bouquet funèbre que la providence donne à ce prétendant pour le dédommager de la couronne de France qu’elle lui a ôtée ! Puissions-nous n’avoir jamais à remarquer ni à subir pour notre compte cette mauvaise influence des dates et des noms. Pauvre ange doux et dévoué, sois bien à tous les instants de ta vie et sois heureux dans tout ce que tu aimes, c’est ce que je demande pour toi au bon Dieu tous les jours dans mes prières. Je voudrais bien savoir comment va mon pauvre petit Toto malade. Je voudrais baiser ta chère petite main qui doit être presque guérie aujourd’hui. Mon bien-aimé, mon amour, ma vie, ma joie, mon bonheur, mon tout, pense à moi, aime-moi et que le bon Dieu te protège, toi et les tiens contre tous les malheurs de ce monde.
Tâche de venir bientôt, je t’attends de toute l’impatience de mon amour. Je baise tes adorables petits pieds.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 245-246
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Mort de Ferdinand-Philippe d’Orléans, le fils aîné du roi des Français Louis-Philippe, dans un accident de la route.

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