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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 août [1845], samedi matin, 8 h. ¾

Bonjour, mon Victor adoré, bonjour, mon ravissant petit homme, bonjour, comment vas-tu ? Moi je vais bien, à un peu de courbaturesa près. J’ai dormi comme un sabot, ce qui m’a guéri comme par enchantement. Que n’en est-il de même de tes indispositions, tu ne souffrirais pas aussi longtemps et je ne me tourmenterais pas tant.
Jour, Toto, jour, mon cher petit o adoré, je vous aime. J’ai retrouvé la fameuse circulaire et j’en ai déchiré la bande. C’est une invitation de Mme Marre d’assister à la distribution des prix mercredi prochain. Il Y AURA UNE LOTERIE pour toutes les jeunes filles présentes. Les petites Rivière iront et j’y enverrai Suzanne en sa qualité de jeune fille. Je t’aurais bien prié de m’y laisser aller, mais je crains, malgré l’affirmation contraire d’Eulalie, que M. Pradier n’y soit et, comme je ne veux pas surprendre ta bonne foi et te contrarier, j’aime mieux te le dire d’avance et y renoncer. Je resterai chez moi, comme toujours, et je serai trop heureuse de te faire ce léger sacrifice, tout en me disant que c’est faire trop d’honneur à ce hideux Pradier que de supposer qu’il puisse être autre chose pour moi qu’un objet de répulsion et de mépris. Je t’aime, mon Victor, c’est te dire que rien n’existe pour moi au-delà de toi. Tâche de venir de bonne heure aujourd’hui et de rester un peu plus de deux secondes, que j’aie le temps au moins de te voir et de t’embrasser.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16360, f. 182-183
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « un peu de courbature ».


23 août [1845], samedi soir, 5 h.

Je suis là, mon petit Toto, je pense à toi, je te désire, je t’attends, je t’aime. Est-ce que tout cela ne te dit pas de venir un peu me voir avant ton dîner ? Je sais que tu travailles mais je sais aussi que j’ai besoin de te voir et que je serai bien contente et bien heureuse si tu viens et bien triste et bien malheureuse si je ne te vois pas. Encore si tu restais un peu longtemps le soir, je ne dis pas pour hier puisque j’étais malade et que mes yeux se fermaient malgré moi, mais pour tous les autres jours où je suis éveillée comme une portée de souris et où tu t’en vas presque tout de suite. Cher petit homme gentil et adoré, je te dis toujours la même chose. Je suis comme une cloche mais c’est un peu ta faute. Si tu ne me laissais pas si souvent t’attendre et te désirer, je ne me répèterais pas avec cette monotonie. Quand voudras-tu que je sortea ? Tu me dis bien, pour te débarrasser de moi, que tu me feras sortir mais ce jour n’arrive jamais et cela me fait du mal. Il faut absolument que je marche. Mon jardin ne me suffit pas quand j’ai fait une vingtaine de tours en rond, comme une bête fauve. C’est tout ce que je peux faire mais cela ne me suffit pas. Il faut donc me permettre de sortir de temps en temps pour faire des courses sérieuses. Je te le demanderai quand tu viendras. Et puis je t’aime, tu es mon Toto ravissant que je baise et que j’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16360, f. 184-185
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « que je sortes ».

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