Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1845 > Mai > 4

4 mai 1845

4 mai [1845], dimanche matin, 8 h. ½

Bonjour, mon Toto aimé, bonjour, mon Toto adoré, bonjour. Je t’embrasse sur ta jolie petite bouche pour bien commencer la journée. Je te remercie d’être venu cette nuit, mon cher petit homme. Je t’avoue que je n’y comptais pas. La surprise n’en a été que plus agréable. Tu devrais m’en faire souvent du même genre. Au lieu de m’en plaindre, j’en serais très heureuse, au lieu de grogner comme une vieille sempiternelle, je crierais comme une jeune Juju que j’ai été : quel bonheur !!! Voilà ce que je ne ferais pas et ce que je ferais si vous vouliez.
Voici enfin, je l’espère, la série de devoirs officiels remplie ? Est-ce que les devoirs de l’amour n’auront pas bientôt leur tour, dites ? Je suis très impatiente et très pressée de le voir arriver. Cher petit homme bien aimé, tu m’as promis une journée tout entière de bonheur dès que tu serais hors du hourvari [1] de ta promotion. Il me semble que voici le temps venu de tenir cette bonne promesse. J’en ai le plus grand besoin, je t’assure. Il y a des moments où je crois que tu ne m’aimes plus et où je suis tentée de m’enfuir. Une journée de bonheur me redonnerait de la confiance et du courage, mais il faut me la donner bien vite avant que le mal soit irréparable.
En attendant, je t’aime et je donnerais mille fois la moitié de ce qui me reste à vivre pour passer l’autre moitié auprès de toi. Je donnerais même davantage si on pouvait faire de pareil marché. Je t’aime, mon Victor bien-aimé, je baise toute ta ravissante petite personne.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 129-130
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette


4 mai [1845], dimanche après-midi, 4 h. ½

Je vous attends, méchant, vilain, monstre et pair de France que vous êtes. Cela vous est bien égal, n’est-ce pas, que je crève dans ma peau d’impatience ? Pourvu que vous ne me voyieza pas, c’est tout ce qu’il vous faut, scélérat. C’est vraiment bien la peine que je vous aime comme une dératée pour l’usage et le cas que vous en faites. Taisez-vous, vous êtes une bête.
Quand me débarrasserez-vous de vos tapisseries, de votre guipure et de toutes vos penailleries ? Cela m’encombre à la fin. Je vous dirai que votre bottier a apporté votre note qui se monte à 22 francs. Je ne l’ai pas payée parce que je n’avais pas assez d’argent. Hier j’ai payé mon jardinier et différents petits ustensiles qu’il m’a fournisb. Puis j’ai donné 2 reconnaissances à renouvelerc pour demain, montant à 120 francs. J’ai envoyé l’argent en même temps. Tu vois qu’il m’était impossible de payer Dabat. Du reste, c’est moi qui lui avais dit d’apporter sa facture quand il voudrait parce que je sais que tu n’aimes pas devoir à tes fournisseurs.
Cher petit bien-aimé, est-ce que tu ne vas pas bientôt venir ? Je te désire pourtant de toutes mes forces et je t’aime de toute mon âme. Je tâche de ne pas devenir trop méchante, mais je sens que cela me monte, me monte, me monte et pour peu que tu tardes encore un moment, je serai une bête féroce enragée. Prenez garde à vous, car je ne réponds plus de moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 131-132
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « vous ne me voyez ».
b) « qu’il m’a fourni ».
c) « 2 reconnaissance à renouveller ».

Notes

[1Hourvari : grand tumulte.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne