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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 juin 1845

27 juin [1845], vendredi après-midi, 3 h. ½

Cher bijou bien-aimé, je t’ai vu, je suis joyeuse, je suis contente, je suis heureuse, je suis ravie, je t’ai vu. Tu as beau te moquer de mes angoisses de PROPRIÉTAIRE, je suis heureuse dès que je vois apparaître le bout de ton cher petit museau. Aujourd’hui je fais faire des fagots, des bourrées, et du bois de corde dans ma propriété. Suzanne me sert de bûche..... RONDE [1]. Elle s’en acquitte à merveille. Tout à l’heure, je cueillerai des fraises que j’ajouterai à celles qu’on a achetées ce matin. Ce sera pour votre cher petit ventre ce soir. Je voudrais me convertir en quelque chose de très bon pour être mangée par vous. Ce serait un sort que j’envierais. Quand donc me permettrez-vous de sortir avec vous ? Voilà bien des fois que je vous le demande et vous me refusez toujours sous un prétexte ou sous un autre. Je finirai par me révolter. Vous verreza cela. Je ferai comme les ouvriers charpentiers, je demanderai une augmentation de SALAIRE. Je trouve jusqu’à présent qu’il n’y a pas assez de profit à vous aimer comme une dératée. Je veux que vous me donniez quelque peu d’amour en plus ou je ferai GRÈVE depuis le matin jusqu’au soir. En attendant, je vous baise plus que jamais.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 345-346
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « vous verrai ».


27 juin [1845], vendredi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon cher petit homme chéri, bonjour, mon amour ravissant, bonjour, comment va ton petit pied ? Je devrais être fâchée contre toi, mais je ne le peux pas. En définitive, c’est à moi que je fais de la peine quand je veux être méchante, et vous grogner, aussi je m’en prive. Cependant vous n’êtes pas gentil de venir si peu me voir et pour ne rien dire, je n’en pense pas moins que vous êtes un affreux petit tricheur et un grand blagueur. Taisez-vous, vilain monstre, je vous adore mais vous en abusez. Taisez-vous. J’ai déjà TRAVAILLÉ pour vous. Je viens d’éplucher vos fraises. Comme vous ne les lavez pas, je tiens à ce qu’elles soient au moins touchées par des mains à peu près propres. Et puis cela me donne l’occasion de faire quelque chose pour votre service, ce qui, après le bonheur de vous voir, peut me fairea le plus de plaisir et me donner le plus de patience pour vous attendre. Tout à l’heure je ferai votre tisaneb.
Cher adoré bien-aimé, rien ne m’est plus doux que de penser à toi, que de m’occuper de toi toujours. Aussi je saisis avec empressement tout ce qui sert ma pensée et mon désir.
Jour, Toto, jour, mon cher petit o, baisez-moi pour de bon et pour de vrai, je vous l’ordonne.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 347-348
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « peu me faire ».
b) « votre tisanne ».

Notes

[1Une « buche » est une « personne d’un esprit lourd et stupide » (Larousse). Suzanne étant alcoolique, Juliette l’affabule de l’adjectif « ronde ».

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