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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 juin 1845

23 juin [1845], lundi matin, 7 h. ¾

Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour, ma vie, bonjour, ma joie, comment vonta ton cou et ton pied ce matin ? Je ne me doutais pas hier en te voyant si souriant et si doux que tu pouvais souffrir à ce point-là. Il est impossible que tu ne souffres pas beaucoup avec un gonflement aussi grand au cou ? Depuis que je le sais, je n’ai plus envie de rire ni des yeux, ni des œufs de perdrix. Je te plains et je t’admire d’avoir cette douceur et cette résignation angéliques. Pauvre adoré bien-aimé, je voudrais te donner ma vie pour te guérir. Au moins elle servirait à ce que j’ai de plus cher au monde, tandis qu’elle est si parfaitement inutile que j’ai des remords de vivre. Je suis dans une disposition d’esprit peu aimable ce matin. Je crois que je ferais bien d’en sortir violemment pour ne pas te rabâcher sans cesse la même chose. Heureusement que j’ai la ressource de la pluie et du beau temps. Il fait très beau ce matin. J’espère que cela te fera du bien à tes deux bobos. Dans tous les cas, tu pourras sortir sans te faire mouiller jusqu’aux os, ce qui n’est pas indifférent. Si tu étais bien gentil, tu viendrais me chercher pour sortir un peu avec toi. AUTREFOIS tu n’y aurais pas manqué. À présent tous les prétextes sont bons pour me laisser seule à la maison. Allons, voilà encore mon stupide refrain qui revient. Je t’en demande pardon, mon Victor. Je te baise et je t’adore de toutes mes forces et de tout mon cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 333-334
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « comment va ».


23 juin [1845], lundi après-midi, 3 h. ¾

Est-ce que tu serais plus souffrant, mon cher adoré ? L’inquiétude me galopea depuis une heure. C’est un tourment continuel que ma vie. Je ne veux pas me plaindre dans la crainte que mes plaintes n’arrivent au milieu de souffrances trop réelles pour toi, mon cher adoré, et je m’en ferais un crime. Je les réserve pour le cas où tu aurais donné la préférence à des visites moins pressées que mon pauvre cœur ou à la Chambre des pairs. Si cela était, je me permettrais de te gronder bien fort et même de te battre pour t’apprendre à faire si bon marché de ma sollicitude et de mon amour.
Ma grande Clairette est à l’Hôtel de Ville. Elle ne reviendra pas chez moi, je veux qu’on la reconduise tout de suite à la pension afin que Mme Marre sache bien que je ne me sers pas de ce prétexte pour donner des congés à ma fille. Il faudra même que je voie cette dame au sujet de l’Hôtel de Ville. Qui veut la fin, veut les moyens. Et si on veut qu’elle tente un autre examen dans six semaines, il faut la laisser s’y préparer en assistant aux séances au moins une fois tous les quinze jours. En attendant, mon Victor chéri, je te répète que je suis très impatiente de te voir et très inquiète du nouveau bobo survenu hier. Si tu peux sortir, dépêche-toi de venir me tranquilliserb. Je t’assure que j’en ai besoin.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 335-336
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « me galoppe ».
b) « tranquiliser ».

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