Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1838 > Avril > 15

15 avril [1838], dimanche matin, 11 h. ¼

Vous n’êtes pas pardonnable, mon bien-aimé, si c’est par bouderie ou par manière que vous n’êtes pas venu ce matin. Il est triste de penser que cela vous soit si facile de ne pas venir me voir quand vous le pouvez, ce qui ne vous arrive pas souvent. Vous m’aviez cependant quittée bien cordialement et bien tendrement. Que vous est-il donc arrivé qui a changé votre amour en indifférence ? Vous seul le savez et ne le direz pas, selon votre triste habitude. J’ai le cœur bien gros, allez. J’avais espéré faire mes Pâques ce matin, je croyais que pour moi aussi ce jour-ci serait un jour de fête et que je me dédommagerais de l’abstinence du Carême… J’avais compté sans mon hôte et j’en suis bien punie ce matin. Enfin il faut bien se résigner. Plus je te montrerai d’amour et d’empressement et plus tu seras froid et distant. Ce n’est pas ta faute, du moins je le crois. Je ne me suis pas encore levée. J’ai peu dormi cette nuit, il était quatre heures à ma pendule quand tu es parti et il en était onze du jour à ma pendule, quand j’ai fait ouvrir chez moi et il y avait longtemps que je ne dormais plus. Ce matin, à l’heure où tu as coutume de venir, je me suis réveillée espérant que j’allais entendre ta chère petite voix me dire : c’est moi Toto. Mais cela a été inutilement. Quand je pense que tu pouvais venir et que tu n’es pas venu, je ne peux pas croire que tu m’aimes. Je suis triste et j’ai le désespoir dans le cœur. Si je ne craignais pas de faire un esclandre je m’en irais à travers champs tant je souffre et tant j’ai la certitude que ton dévouement et ta générosité sont les seuls sentiments que tu aies pour moi à présent. Enfin, mon pauvre bien-aimé, tu peux te vanter de me faire passer des nuits blanches et des jours bien noirs. Je souffre. Je t’aime. Je ne sors pas de là.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 50-51
Transcription de Mathieu Chadebec assisté de Gérard Pouchain

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne