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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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14 juin 1844

14 juin [1844], vendredi matin, 9 h.

Bonjour, mon Toto adoré, bonjour, mon bien-aimé ; bonjour, comment vas-tu ce matin ? Tu n’es pas venu. J’ai eu beau en être prévenue, j’ai eu beau me raisonner, cela ne m’a pas empêchée d’en être tourmentée et triste comme d’une chose inattendue. Je n’espère pas que tu viendras ce matin mais je le désire de toutes mes forces.
Mme Triger est venue me voir hier au soir ; la mère de Mme Guérard est venue chercher son argent en m’apportant un petit bouquet du jardin de la part de sa fille. Ces deux dames s’en sont allées à 10 h. Je me suis couchée à 11h, j’ai lu pendant quelques minutes et puis j’ai éteint ma lampe pour t’obéir. A 1 h. du matin, j’ai entendu du bruit, j’ai cru que c’était toi et je me suis levée pour t’ouvrir… Hélas !.….a je me suis recouchée bien penaude et j’ai rêvasséb tout le reste de la nuit. Ce matin, je sens que je suis au bout de mon rouleau. Si tu ne viens pas, si tu ne me fais pas sortir, je ne sais pas ce que je deviendrai. J’ai un besoin de toi qui ne peut pas s’exprimer.
Je pense que Suzanne reprendra son service demain [1]. Je n’aurai donc plus rien à faire qu’à t’attendre ; tâche que ce ne soit pas en vain. D’ici là, je te désire et je t’aime de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 147-148
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) 5 points de suspension.
b) « revassez ».


14 juin [1844], vendredi soir, 5 h. ½

Je vais dîner de bonne heure, mon Toto, pour pouvoir être prête à sortir si tu viens me chercher. Cependant, je ne veux pas me faire une trop grosse joie d’avance pour ne pas avoir un chagrin atroce dans le cas où tu ne pourrais pas venir. Je devrais te gronder pour n’être pas venu hier au soir. Je ne le fais pas mais j’en éprouve une petite tristesse dans l’âme ; car enfin, puisque tu interromps tes affaires avec Bernard pour aller chez Villemain, tu pouvais bien venir me voir chemin faisant ? Ça n’est pas d’un homme qui aime, je le sens plus que je n’ose te le dire et me le dire à moi-même. Je t’aime trop et toi pas assez, c’est bien trop sûr. Mon Dieu, si on achetait de l’indifférence au marché, quelle provision je ferais… Malheureusement, cela ne se peut pas. Il faut que je me résigne, tant bien que mal, au rôle ridicule d’une femme qu’on n’aime plus. Si je suis injuste, bats-moi, je ne demande pas mieux. Si je ne le suis pas, tue-moi et je souffrirais moins. Je voudrais te voir, mon amour, pour te demander pardon, pour te gronder, pour te caresser, pour t’adorer et pour te dévorer. Viens, viens, je t’en suppliea à genoux.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 149-150
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « supplie ».

Notes

[1Suzanne, la domestique, est convalescente.

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