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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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18 avril [1844], jeudi soir, 5 h. ½

Tu es bien bon, mon adoré, d’avoir remplacé par une charmante matinée le trop court moment que tu aurais pu me donner cette nuit. Certainement, si j’avais pu deviner ta bonne intention, je ne me serais pas autant affligée de ton absence. Mais je ne suis sorcière que par les cheveux, ce qui ne suffit pas pour me donner le don de la divination à un degré suffisant. Cependant, mon Toto, je ne veux pas que vous croyez que cette fois-ci compte et celle de l’autre jour non plus. Il faudra même que vous veniez trois fois pour les deux que vous me devez ; sinon, j’y perdrais et j’y mettrais trop du mien. N’oubliez pas non plus de me solder ma culotte très prochainement ou j’irai la réclamer à votre oncle. J’espère qu’il fera honneur aux dettes de son neveu le plus Hugo parmi les Hugo. En attendant, je reste à voir tourner mon ombre sur mes pieds, ce qui n’est pas absolument drôle quand cela se prolonge indéfiniment. Taisez-vous, vilain O… Je finis par ne plus vous croire du tout, taisez-vous.
Je viens d’envoyer chez Mme Pierceau [1] ; tant que cette pauvre malheureuse respirera, ce sera un devoir d’y envoyer. Hélas ! La pauvre créature ! Le bon Dieu est bien lent à terminer ses souffrances. On ne peut pas y penser sans se sentir le cœur navré. Pauvre pauvre femme, c’est trop souffrir. Je remercie le bon Dieu, mon Victor adoré de ce qu’il te donne la santé. Qu’est-ce que je deviendrais si jamais tu étais malade sérieusement ? Je ne veux pas y penser car cela me serre le cœur d’avance. Aiea bien soin de toi, mon Victor ; en prenant soin de ta santé, tu prends soin de mon bonheur et de ma vie. Penses-y bien, mon Victor bien adoré. J’espère que tu ne me feras pas payer mon bonheur de ce matin par celui de ce soir et que tu viendras tout à l’heure ? Dépêche-toi, mon Toto, j’ai de bons baisers bien tendres à te donner.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 57-58
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « aies ».

Notes

[1L’amie de Juliette agonise.

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