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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 février [1844], jeudi matin, 10 h. ¾

Bonjour mon petit Toto chéri. Bonjour mon cher amour, comment vas-tu ce matin ? Le temps est beau aujourd’hui et je suis toute seule. Ce serait bien le moment de me faire des propositions honnêtes. Il est vrai que tu as Académie tantôt ce qui est bien plus consolant qu’une pauvre Juju toute blaireuse. D’ailleurs, mon pauvre adoré, je ne pourrais pas marcher quand bien même tu viendrais me chercher. Je suis toute courbaturée et hors d’état de mettre un pied devant l’autre. Cela ne m’empêcherait pas, car rien ne peut m’en empêcher, de trouver votre présence bien douce et d’en profiter avec toutes les facultésa de mon corps, de mon cœur et de mon âme. Clairette est partie ce matin, elle va essayer sa nouvelle drogue pendant quinze jours après lesquels elle reverra son homéopatheb qui me fait l’effet d’un docteur pour rire. Il est vrai qu’ils le sont un peu tous plus ou moins. Il n’y a que la foi qui sauve et je crois qu’elle a plus de confiance dans la science de ce chognosophoko [1] que dans celle du Triger de la nature. Chacun son goût.
Je te remercie, mon cher bien-aimé, de tout ce que tu as dit hier de moi à ma grande fillette. Peut-être aurait-il fallu moins exagérer mon pauvre petit mérite pour arriver plus sûrement à l’effet que tu voulais produire, c’est-à-dire à lui inspirer du respect et de l’estime pour sa mère. Peut-être aussi que ce qui abonde ne vicie pas. Quoi qu’il en soit je te remercie du fond du cœur, de l’avoir fait, et je t’aime, mon Toto.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 205-206
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « facultées ».
a) « oméopathe ».


22 février [1844], jeudi soir, 6 h. ¼

Est-ce que l’Académie se prolonge jusqu’à cette heure-ci, mon Toto ? J’ai peine à le croire mais vous aviez sans doute des visites à faire sans parler de votre travail qui vous sert d’écran contre l’amour beaucoup trop vif que j’ai pour vous. Vous avez eu bien raison, mon Toto, de vous moquer des éloges de commande que vous m’avez distribués si généreusement hier. Cela m’a fait à peu près le même plaisir qu’un article louangeur qu’un vaudevillistea a fait la veille sur ton propre mérite et qu’il trouve imprimé tout vif à son réveil. Hélas ! pourquoi faut-il que ma pauvre péronnelle [2] ait besoin de pareils stimulants pour aimer et pour estimer sa mère naturellement comme le premier enfant venu vous aime et estime sa mère par cela seul que c’est sa mère.
J’en ai honte pour elle et pour moi. Cependant, je te prie, mon adoré, et cela très sérieusement de ne plus user de ce moyen qui frise le ridicule. J’aime encore mieux que ma fille ait une pauvre opinion de sa mère que de lui fourrer des fausses qualités et des faux méritesb à aimer et à admirer. C’est dit une fois pour toutes et n’en reparlons plus jamais.
Je t’attends avec impatience, mon Toto, j’ai bien de l’amour à te donner, bien des tristesses à te confier, bien de la jalousie et bien des inquiétudes à faire dissiper, bien du bonheur à prendre si tu m’aimes et si tu m’es fidèle.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 207-208
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « vaudeviliste ».
b) « mérite ».

Notes

[1À élucider.

[2Nom donné à sa fille Claire Pradier.

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