14 janvier 1844

14 janvier [1844], dimanche matin, 11 h.

Bonjour, mon Toto bien aimé, bonjour mon cher adoré. Bonjour Cocotte. Comment que ça va ce matin ? Voulez-vous venir sur mon doigt ? Ce n’est pas la peine de me faire des yeux rouges, je ne vous forcerai pas. Je ne vous demanderai même pas si vous avez bien déjeuné. Je ne veux pas vous fâcher et vous faire prendre en grippe par un aussi joli petit oiseau que vous. Je me contenterai de vous admirer et de vous caresser des yeux. Comment allez-vous Toto ? Comment m’aimez-vous ? Vous verrai-je bientôt mon amour ? Tu sais, mon adoré, que j’aurai M^me Krafft ce soir et quoique rien ne m’empêche de t’aimer n’importe où et n’importe devant qui se trouve là c’est toujours gênant surtout pour toi. Aussi, j’aurais désiré que tu vinsses un peu ce matin me donner ma pauvre petite portion de bonheur. Je ne suis pas comme vous, moi, j’irais bien sur votre doigt et ailleurs sans me faire prier. C’est que je vous aime, moi et que vous vous… vous ma foi je ne sais pas trop qu’en dire. Je vous laisse le soin de répondre vous-même. Je vais continuer à vous tourmenter tous les jours pour me faire sortir parce que j’en ai besoin et parce que cela vous forcera à être avec moi un peu plus de trois minutes, montre en main. À partir de demain je vais devenir très féroce et très exigeante. Vous êtes prévenu, tenez-moi sur vos gardes.
Je veux que vous m’apportiez toutes les lettres que vous avez reçues et que vous recevrez. Je ne veux pas perdre une seule de nos bonnes habitudes, du moins ce ne sera pas faute de protester et de prier. Baisez-moi, méchant homme, je vous aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 51-52
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette